L’Affaire Marcorelle

« Un film à tiroirs »

« Nous sommes tous coupables, et moi un peu plus que les … » La phrase est en exergue au générique de L'Affaire Marcorelle.

Serge Le Péron, le réalisateur, présente ainsi le film : « Le scénario est venu de l'idée de la première scène, c'est-à-dire le cauchemar typique d'un homme qui se sent coupable... À partir de là j'ai tiré le fil. [...] Je crois beaucoup à ce pouvoir de la cinéphilie de connecter des mondes hétérogènes. Cette notion d'hétérogénéité d'interpénétration des genres, de mélanges... est constitutive du climat dramatique du film […] Le film sera sans doute classé dans la catégorie comédie dramatique qui est peu la case fourre-tout. Mais c'est une bonne définition : c'est le meilleur moyen de caractériser le parcours passé, présent et à venir du personnage. »

Il y a des airs de déjà-vu dans cette mise en scène d'une grande ville de province (cette fois-ci Chambéry) entre flics, chirugiens et magistrats… Et pourtant, la suite de ressemble à rien de connu ! Trois acteurs principaux : un Jean-Pierre Léaud fatigué (mais uniquement pour les besoins du scénario et de sa culpabilité intérieure, pour le reste, il est en pleine forme d'acteur !), un Mathieu Amalric étonnant en arriviste, et Irène Jacob.
Irène Jacob est souvent en rouge. Couleur justifiée ici par son appartenance à un réseau de prostitution polonais. Une sorte de Weronika bien redescendue sur terre, qui parle, soupire et crie en polonais. Elle s'est composée par ailleurs un accent de l'Est finalement intéressant.
Attention : pour sa toute première apparition dans le film, il faut patienter vingt minutes. Mais Agnieszka, la Polonaise, reste, au final, un personnage attachant, et une interprétation à (bien) noter.
Un film dont on se souvient, malgré des lenteurs, pour son intrigue (chut !), ses personnages cinéphiles, le cheminement intériosisé de Marcorelle et cette brève scène (à ne pas manquer) qui a du inspirer l'affichiste, où les personnages du film se mêlent à ceux du Fantôme de l'Opéra, avec le même traitement sépia. Irène Jacob y figure, brièvement.    
[am]

(DR)
« Agnieska, pourquoi m'avez vous invité malgré tous les risques que cela comporte ? »

« Parce que j'ai senti que vous étiez seul… moi aussi je me sens seule parfois. »

> Quelques répliques d'Irène Jacob échappées du film (avec l'accent helvetico-polonais!)…

« C'est vrai que vous n'aimez pas la campagne ?… »

« Alors comme ça vous aimez le cinéma ? »

« Vous v'nez pas prendre un verre ? J'ai pas de cognac mais j'ai d'la wodka [revient en leitmotiv !] »

« Mon pauvre chéri… mais pourquoi tu es comme ça ? J'ai trouvé un endroit respectable mais je suis étudiante, enfin presque, je me suis inscrite à une capacité en droit ; je préfère me débrouiller seule, j'suis plus une pute maintenant Si t'avais des pistes pour un boulot c'est le plus important maintenant […] si tu savais ce qu'elle fait la police… »

« Je ne pouvais pas, François… depuis le début je ne pouvais que mentir : tu n'es pas arrivé dans ce hlm par hasard, on voulait te compromettre, j'étais l'instrument de cette opération… celui qui est ton ami au Palais, toi aussi il t'a dans le collimateur : il nous a surpris un soir ensemble… »

(DR)

 

L'Affaire Marcorelle
(Titre de travail : " Marcorelle n'est pas coupable ")
France - septembre 2000 - 96 min
Réalisateur & scénario :
Serge Le Péron
Production : Euripide Productions
Distribution : Euripide Distribution
Directeur photo : Ivan Koselka
Ingénieur du son: Jean Minondo
Musique : Antoine Duhamel
Montage : Janice Jones
Avec :
Jean-Pierre Léaud (François Marcorelle),
Irène Jacob (Agneska)
Mathieu Amalric (Fourcade),
Philippe Khorsand (Georges),
Dominique Reymond (Claudie M.),
Hélène Surgère (Mademoiselle Pingaux),
Philippe Morier-Genoud (Le commissaire),
Hervé Pierre (Robert Viguier),
Marc Betton (Procureur Puyricard),
Christian Bouillette (Alain Bignon)…

> Ils ont dit…

« Il y avait aussi quelqu'un qui suivait très très fort, c'est Irène. Elle a une puissance et une force insoupçonnées. Je pense qu'il y avait des atomes crochus entre nous. Irène, non seulement suivait, mais parfois me dépassait dans ma démarche. On s'entraînait l'un l'autre… »
Jean-Pierre Léaud (l'Humanité - 13 sept 2000)

« Le personnage d'Agnieska était très difficile à distribuer ... Lorsque j'ai pensé à Irène s'était un parti-pris cinéphilique… »
Serge Le Péron

« Ni tout à fait comédie ni tout à fait polar, un pied dans la folie douce et l'autre dans la noirceur des "affaires" fin de siècle, le film de Serge Le Péron a tout d'un joyeux chiffonnier : tiroirs, caches secrètes, pièges à garçons, rien ne manque à ce meuble délicieusement chabrolien. Les quinquagénaires y font triste mine. Les trentenaires montrent les dents […] Les femmes sont lubriques, mythomanes et calculatrices, et les classiques du cinéma fantastique sont autant de fantasmes à mouliner dans la vraie vie. […] c'est parfaitement jubilatoire. »
(Le nouveau cinéma, septembre 2000)

« …en plus, dans ce film, elle est vraiment très bien : la scène d'hystérie, ça ne doit pas être facile à jouer ! »
(Marielle B., Paris, octobre 2001)

(DR)

> Elle a dit…

« Pour résumer, on dirait que c'est une affaire bizarre, inattendue, qui se passe de nos jours. […] C'est un film à tiroirs ; on ne sait pas sur quoi on marche. Un film personnel pour Serge Le Péron avec un sujet d'actualité intéressant "Comment s'engager aujourd'hui ?" […] Ici, ce sont les désirs individuels qui sont mis en avant. On se rencontre sur le désir, mais pas sur autre chose. Des désirs d'ambition ou de sexualité, et non pas sur les idées. […] Serge a un œil très fin, très juste, qui cherche quelque chose d'humain plutôt qu'une perfection. Il met les gens dans une atmosphère très humaine. Du coup, j'ai pensé qu'il y avait beaucoup de liberté pour que les choses se passent. »
((Interview pour Allo-cine, sept 2000)

« Dans l'Affaire Marcorelle, il [Jean-Pierre Léaud] était légendaire, un vrai partenaire… »
(La Nouvelle République…, novembre 2001)

« Quand j'ai lu le scénario, je me suis dit "C'est pas possible !" Et puis finalement, j'ai beaucoup aimé le rôle. Tout ça a été un peu de l'impro. Je ne connais pas l'accent polonais. Je n'ai pas eu un coach polonais. Ce n'était pas du tout ce que Serge voulait. Pour lui, l'accent était comme un autre vêtement du personnage. »
(l'Humanité, juillet 2000)

"Le personnage d'Agnieska est quelqu'un que Serge a rencontré, du coup cela donnait une touche très personnelle au film et ça m'a interessé"
(Interview Cannes 2000)

"(…) bien sûr, on sait que c'est une fille qui ment, mais on ne sait pas si elle ment. C'est un tiroir. Une autre réalité peut sortir du canapé ou du placard [rires]"
(IJ)