Al di là delle nuvole

Irène en jeune femme très détachée

© Wim Wenders

Dans un film à stekches, le lien narratif est la déambulation fantomatique du narrateur (John Malkovich). Dernière étape du parcours : Un corps de boue (environ 18 minutes).

Un jeune homme passe (près du narrateur) devant une porte cochère d'Aix-en-Provence. Une jeune fille sort ; il l'avise, la rattrape et lui parle, tentant de la séduire. Lui c'est Vincent Perez, elle, Irène Jacob, la jeune fille inconnue.
Il l'accompagne à travers les rues de la vieille ville, jusqu'à une église. A toutes les questions du garçon, elle répond avec politesse, patience mais détachement. Il y a bien quelques indices dans ses réponses, qui pourraient laisser entrevoir la fin du récit. Elle entre à l'église, prie. Lui s'assied un peu à l'écart puis… s'endort.
Il la retrouve un peu plus tard au pied d'une fontaine. La pluie survient : la jeune fille qu'on a vu si calme court et glisse en riant, prend corps. Puis elle arrive chez elle, ouvre la porte de l'immeuble qu'elle ne referme pas. L'homme la suit, monte l'escalier derrière elle, la rejoint sur le dernier pallier, à l'entrée de sa chambre. Echange de regards et de sourires, hésitation du jeune homme, phrase lancée : « Pourrais-je vous revoir demain ? » Elle : « Demain, je rentre au couvent ». Le temps s'allonge, Vincent Perez hésite, redescend rapidement, sous le choc de cette révélation.

Encore une collaboration avec un grand du cinéma. Antonioni est alors âgé, il tourne encore, mais la production lui a adjoint un co-réalisateur, Wim Wenders, pour lequel la presse allemande est sévère, Tip, par exemple, allant jusqu'à le traiter de « détrousseur de cadavres ». La critique internationale sera plus perspicace…

> Elle a dit…

« Mon personnage est une énigme. Comme toutes les femmes d'Antonioni. Et les hommes cherchent la clé pour les comprendre […] C'est toujours l'histoire de cadeaux qui sont faits par les femmes et que les hommes savent prendre ou pas. »
(Télérama - 01/96)
A propos de Kieslowski et Antonioni :
« They're completely different; they're, like Wim Wenders also, great directors. There's a great research to explain something they feel and is hard to explain... They find a very special way to tell it, very personal, very sincere. »
(Venice Film Festival 1995 - Venezia On Line)

> Ils ont dit…

« […] marqué au sceau du génie de Michelangelo Antonioni. LA SOLIDARITE d'une équipe a permis de mener à bien cette oeuvre exceptionnelle, réalisée dans des conditions limites ».
« Circulation dans la ville, station fervente au temple, chemin du retour, jusqu'à la révélation du destin que s'est choisi la jeune femme. Sujet que guetterait la gravité, voire la niaiserie, mais transfiguré par une mise en scène dynamique et légère. Cet épisode, le seul à ne pas comporter de scène de nu, n'est pas moins sensuel que les autres. »
(Le Monde du 25/01/96)

« Irène nous fait cela de façon admirable, tombant de tout son long sur le pavé de manière si convaincante qu'à chaque fois, on a peur pour elle. Elle est […] une actrice née, son jeu va tellement de soi, il est si peu alteré par le trac et si précis, qu'il donne toujours l'impression de la plus grande simplicité et du plus grand naturel. Même lorsque les choses deviennent difficiles ou désagréables, comme par exemple cette chute sous la pluie, elle parvient à nous faire croire que rien au monde n'est plus facile. »
(Wim Wenders, Journal de tournage)

« A Aix, rue Cardinale, j'ai remonté vers Saint-Jean, retrouvé les fontaines dont le bruit résonait dans le réseau des ruelles. Il n'y avait plus ni Vincent Perrez ni Irène Jacob, mais deux acteurs qu'on imperceptible sur la pellicule : la chaleur du soir tombé, et l'odeur des plantes méditerranéennes. Ne pas oublier de les rajouter à votre prochaine vision du sketche du Corps de boue. »
[am, 2002]

> A voir aussi…

Le film du tournage : Fare un film per me è vivere (To Make a film is to be alive) - 1996 - France, Italie, 59 min.
Sceneries Entertainment - 2000 - NTSC.

© D. Wenders

 

Al di là delle Nuvole (1994)
[ Par-delà les nuages / Beyond the Clouds ]
104 mn - France, Italie, Allemagne.
Irène Jacob est l'Iinconnue.
Avec aussi :
Inès Sastre (L'institutrice)
Kim Rossi-Stuart (Le voyageur)
Sophie Marceau (La fille de Portofino)
John Malkovich (Le cinéaste)
Fanny Ardant (La femme)
Chiara Caselli (la maîtresse)
Peter Weller (l'Américain à Paris)
Jean Reno (Le mari délaissé)
Vincent Perez (le dragueur)
Jeanne Moreau
Marcello Mastroianni…
Réalisateur : Michelangelo Antonioni
Co-réalisateur : Wim Wenders
Scénario: Michelangelo Antonioni & Tonino Guerra
Production : Sunshine, Ciné B, France 3 Cinéma
Distribution : Pan Européenne
Directeurs photo. : Alfio Contini & Robby Müller
Son : Jean-Pierre Ruh &Vincent Arnardi
Montage : Claudio Di Mauro, Michelangelo Antonioni, Peter Przygodda, Lucine Segora
Prix de la Critique au Festival de Venise 1995.
Extérieurs : Aix-en-Provence (France), Portofino, Comacchio (Italie) novembre 1994