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La Poussière du temps,
aux frontières de l'espace et du Temps
Spyros (Michel Piccoli) et Eleni (Irène Jacob),
à l'aube de l'an 2000 - © Theo Angelopoulos Film
Productions
Sortie en France le 13
février (enfin !) de La
poussière du temps, titre français du film
de Théo Angelopoulos
Premiers
éléments de lecture pour le film beau et
ambitieux de Theodoros Angelopoulos.
A
lire aussi : l'avant-première du 8
février
Le film commence dans les couloirs d'un train vers la
Russie. Pour comprendre le cheminement du cinéaste et
lever (un peu) le voile sur la Poussière du
temps, une constatation peut nous éclairer.
Le cinéaste nous entraîne entre Kazakhstan et
Sibérie, nous plonge dans la fin des années
staliniennes, nous ramène à Berlin et à
Rome avec comme fil(s) conducteur un réalisateur
simplement nommé A (comme alpha) et un
prénom de femme, Eleni. Irène Jacob,
qui incarne une des deux Eleni, remarquait justement (lors
du débat qui suivi l'avant-première du
8 février 2012 au cinéma Lincoln,
à Paris) que cet homme, un peu alter ego
d'Angelopoulos de par sa profession, est surtout celui qui
ne change pas d'aspect, alors qu'Eleni, nous est
montré à trois âges identifiables par la
coiffure et un brin de maquillage : brune, brune avec
une mêche blanche, puis aux cheveux franchement
gris-blanc, quand elle est grand-mère d'une autre
Eleni (qui perpétue le nom mythique de
l'Hélène grecque et de la Femme vue par
Angelopoulos).
Pour le reste, La Poussière du Temps
nous montre plus de frontières que
d'états, ce qui pourrait expliquer l'aspect
déconcertant du film au premier abord. Car le
récit délaisse la linéarité et
suggère simplement l'Histoire (dont on sent pourtant
le poids derrière la destinée des
personnages) ; il s'attarde plutôt sur les
passages : on passe la frontière à
plusieurs reprises (vers l'Autriche, le Canada), Jacob
(Bruno Ganz) hésite entre deux destinations,
Israël ou l'Amérique, les voyageurs passent le
contrôle de l'aéroport dans un singulier et
inquiétant scanner. Voilà pour l'espace. Quand
on temps, on passe sans transition d'une époque
à l'autre, on passe d'une identité à
l'autre, de la jeune Eleni à sa grand-mère. On
ne peut même plus parler de flash-back, tant les
époques sont confondues, mêlées dans la
mémoire, dans cette poussière du temps. On
naît (« un enfant est dans mon
ventre », écrit Eleni, après
l'arrestation), on passe de vie à trépas,
progressivement, comme Eleni, plusieurs fois victime de
malaises, avant de mourir pour de bon, ou subitement, comme
Jacob dont la plongée suggérée, du haut
d'un bateau-taxi berlinois, suppose la tragique
disparition.
Et puis il y a un souffle indéniable dans ce
cinéma, souffle souvent retenu, pendant les longs
plans généraux, les attentes et les silences
dans des intérieurs immémoriaux, souffle
dévoilé dans certains plans
inoubliables : minute de silence à la mort de
Staline, cheminement d'un bus dans la neige, montée
des escaliers du camp sibérien, figure de l'Ange et
de la Troisième aile dessinée sur le
sol d'une salle dévastée, course d'Eleni et
son grand-père, dans les flocons, sous la porte de
Brandebourg, et souffle qui soulève brusquement les
rideaux de la chambre où Eleni, âgée,
vient de mourir.
[am, 08/02/13]
La Poussière du Temps est une
plongée sombre dans l'histoire stalinienne, avec des
images finalement inoubliables, et l'apparente nonchalance
d'un réalisateur qui savait prendre son temps. Le
film aurait pu faire partie d'une trilogie (dont
Eleni était la première partie et que
la mort du réalisateur a laissée
inachevée). Mais Angelopoulos aurait-il vraiment
voulu terminer cette histoire sans fin ?
En 2008, Irène Jacob revenait du Kazakhstan, elle
avait gardée une chapka pour l'hiver parisien et
répondait à nos questions pour le livre
Kieslowski,
l'autre regard et disait comme elle avait
été vivement impressionnée par ce
tournage, cette grande machine, ces longs
plans-séquences, avec beaucoup de figurants.
[am, 28/01/13]
Irène Jacob, sur le tapis rouge avant
l'avant-première du 8 février 2013 - ©
a.martin
Avant-première au cinéma Le
Lincoln, le 8 février 2013, en
présence d'Irène Jacob (Eleni)
Jérôme Aghion (ingénieur du son), Sylvie
Rollet (journaliste à Positif).
Compte-rendu
Irène Jacob présente le film :
« Il a été tourné il y a
trois ans [NDLR : en fait, quatre ans, comme
le temps passe
]. Vous verrez qu'il y a
beaucoup de passerelles : on va du passé au
présent et Theo aimait dire qu'on vit souvent son
passé au présent et souvent son présent
au passé. [
] Ce film devait s'appeler
La Troisième aile, pour signifier que tout est
possible, tout peut s'envoler et que l'on peut atteindre un
idéal.
>
Lire la suite du compte-rendu
[ AM, 09/02/13, merci à Irène
Jacob ]
Irène Jacob, quelques
années plus tard
(DR)
> Le synopsis
« L'histoire d'un amour à travers le
grand royaume de l'Histoire, des années 50
jusqu'à nos jours. Un réalisateur
américain d'origine grecque réalise un film
sur le destin tragique de ses parents et leurs amours
contrariés par l'Histoire au temps de la guerre
froide.
Pour son film, son enquête le mène en Italie,
en Allemagne, en Russie, au Canada et aux Etats-Unis.
Véritable voyage à travers le monde du XXe
siècle et travail de Mémoire sur l'Histoire,
une élégie sur la destinée humaine et
l'absolu de l'amour.. Que seule vient troubler la
Poussière du Temps... »
[Extrait du dossier de presse]
Petite revue de presse du 13 février
2013
Le
Figaro du 12/02/13 parle
d'« émouvantes
incarnations » et écrit, sous la plume
de Marie-Noëlle Tranchant :
« Cinéaste du voyage et de la lenteur du
temps, Angelopoulos franchit les frontières, syncope
les époques, brasse les générations, un
contrôle antiterroriste ou dans le squat sordide
où la petite Eleni a échoué. Chaque
scène a un pouvoir d'évocation
envoûtant, amplifié par la très belle
partition d'Eleni Karaïndrou. »
Qui croire ? Car « Rien
némeut » dans le film, selon
Pierre Murat de Télérama
[13/02/2013]. Le journaliste considère
donc La Poussière du temps comme
« un vrai faux pas, donc, mais sans
importance : L'éternité et un jour, sa
Palme d'or injustement méprisée, et ses tout
premiers films témoignent de son
audace. »
Quant à
La Croix, le journal apprécie les
« plans dune grande force visuelle,
présence appuyée de la neige et de
lhiver, scènes à lonirisme
puissant ou au symbolisme frappant (comme cette collection
de bustes de Staline réunis dans un bâtiment
désaffecté et signifiant la fin dune
ère soviétique)?: tous les ingrédients
du cinéma de Theo Angelopoulos sont réunis
dans La Poussière du temps, même si le rythme
du récit tend à saccélérer
quelque peu par rapport à certaines de ses
uvres antérieures. »
A propos des acteurs, l'article conclut :
« On pourra regretter le registre étroit
réservé par le cinéaste à Willem
Dafoe, mais le trio formé par Irène Jacob,
Bruno Ganz et Michel Piccoli donne sa pleine puissance
à lélan lyrique du film. »
Voir aussi ci-contre les extraits de l'entretien repris
dans Positif de février, qui consacre
plusieurs articles au réalisateur et au film.
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Trilogia II: I skoni tou hronou (2008)
Grèce - coul. 125 min.
[titre anglais : Dust of Time,
titre français : La Poussière
du Temps
Le film devait composer une trilogie avec Eleni
(1er partie), la Troisième Aile (devenu la
Poussière du Temps) et un film sur la
période actuelle, resté
inachevé à la mort du
réalisateur, début 2012.
Réalisateur : Theodoros
Angelopoulos
Scénario : Theodoros Angelopoulos,
Tonino Guerra, Petros Markaris
Irène Jacob est Eleni
Avec aussi :
Willem Dafoe, A.
Bruno Ganz, Jacob
Michel Piccoli, Spyros
Christiane Paul, Helga
Musique : Eleni Karaindrou
Image : Andreas Sinanos
Montage : Yorgos Helidonidis et Yannis
Tsitsopoulos
Décors : Alexander Scherer et
Konstantin Zagorsky
Production : Theo Angelopoulos Film
Productions
Coproduction : Greek Film Centre avec le
soutien du ministère de la culture
Hellénique, Hellenic Broadcasting,
Corporation ERT S.A, NOVA, Studio 217 ARS (Russia)
avec le soutien du ministere de la culture de la
federation Russe, Classic SRL avec le soutien de
REGIONE LAZIO / FI.LA.S S.p.a MiBAC - Ministero per
I Beni e le Attivita , Culturali, Lichtmeer Film
GMBH & CO KG avec le soutien de Filmstiftung
Nordrhein-Westfalen, Deutscher Filmforderfonds
(DFFF), ARD Degeto.
Distribution : Sophie Dulac Distribution
Avec le soutien d'Eurimages, Fund of the Council of
Europe
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Retrouvez Irène Jacob en audition
ou podcast de l'émission du 9 février
à 15h00, interrogée dans Projection
privée de Michel Ciment.
Pendant la première partie de l'émission,
Irène Jacob, dans ses réponses, évoque
des aspects qu'on retrouve dans la présentation et
les réponses à l'avant-première au
Lincoln (cf. colonne de gauche) : la mise en place
compliquée des longs
plans-séquences ; le
poids de l'Histoire sur les personnages ;
l'intensité de jeu, des scènes dramatiques
dans l'esprit de la tragédie
grecque ; le plaisir de jouer une femme qui
passait de 20 à 80 ans avec une
simple perruque blanche, la « cloison
très mince » entre la
réalité et la fiction.
Ensuite, Michel Ciment interroge Irène sur l’ensemble
de sa filmographie, y compris les films anglo-saxons, comme
Othello ou US Marshall, sur la musique et le
théâtre
Sur France Culture, dimanche
17 février à 21h, rediffusion de
la soirée d'hommage à Theo
Angelopoulos enregistrée
le 4 juin 2012 au Théâtre de
la Ville à Paris, avec des lectures du
scénario de La Poussière du
temps, avec Irène Jacob, Laurent
Poitrenaux, Hugues Quester, André Wilms,
Johanna Nizard, Robin Renucci et les musiciens
grecs Elena Karaindrou (piano), Renato
Ripo (violoncelle), Vangelis Christopoulos
(hautbois) et Dinos Hadjiiordanou
(accordéon).
Première semaine d'exploitation du
film en France : de l'ordre de 6 000
entrées France et 5 000 entrées
Paris le 5e jour (chiffres à confirmer).
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> Le réalisateur a dit
« Pour le personnage d'Eleni, j'ai
trouvé en Irène Jacob la
personne idéale. Elle a une spiritualité, une
beauté intérieure, une douceur. C'est
quelqu'un avec qui j'ai eu beaucoup de plaisir à
travailler. »
[T. Angelopoulos, lors de l'entretien ci-dessous]
Extrait d'un entretien de Michel Ciment avec Theodoros
Angelopoulos en août 2008 (à paraître
dans Positif de février 2013).
« [
] d'une certaine façon
pour moi, toutes les femmes s'appellent Eleni
[
]. C'est l'Eleni du mythe, l'Eleni de tous
les mythes qui est revendiquée et qui revendique
elle-même l'absolu de l'amour. »
A propos de l'influence de l'Histoire sur le destin des
personnages, Angelopoulos explique que cette Histoire
« n'est pas sur l'avant-scène mais elle
ne cesse d'influencer la vie des gens. » et
plus loin : « Ce sont des Grecs mais c'est
le monde, parce que de plus en plus, je pense que l'Histoire
ne se fait pas dans un seul pays. C'est l'histoire du monde
qui nous influence tous. [
] »
Il parle aussi d'un « film sur les
frontières. En 1974, en URSS, il y a eu pour certains
groupes -les Juifs, les communistes italiens, grecs ou
espagnols- la possibilité de sortir du pays. Il y eut
même, à cette époque, des camps en
Italie et en Autriche où ils étaient
regroupés avant de rejoindre leur destination. Parmi
les Juifs, certains voulaient se rendre en Israël et
d'autres aux Etats-Unis. Cet exode m'intéressait
particulièrement et, à travers le personnage
de Jacob (Bruno Ganz), je montre cette hésitation
[
]. Aller en Israël c'était
rejoindre le pays où il rêvait d'aller, aller
en Amérique c'était suivre la femme qu'il
aimait et qui s'y rendait pour retrouver un autre homme.
[
] Ce qu'il y a de tragique dans ce
personnage, c'est l'amour qu'il éprouve pour cette
femme. »
Retrouvez la suite dans l'article de Positif de
février 2013.
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