|
Rêve d'automne
souvenirs de Bergen
Irène Jacob et Yann
Collette : une femme et un homme sur le banc d'un
cimetière de Norvège - © Pierre Grosbois
pour Théâtre de
l'Athénée
Connaissez-vous Bergen ? Les pluies venues de
l'océan, les parapluies, la roche
omniprésente, les petites maisons colorées ? A
Bergen, le temps peut bien être suspendu : facile
de s'y croire hors du temps, marchant sous la pluie fine et
infinie.
Il n'y a pas que les Slaves qui passent du rire au larme
avec intelligence, certains Norvégiens aussi, comme
nous le voyons cet automne
Jon Fosse est né en
1959, à Haugesund en Norvège.
« Depuis une vingtaine d'années il vit
principalement à Bergen »,
révèle sa biographie. L'Athénée
nous a proposé la mise en scène de David
Géry
avec Irène Jacob dans le
rôle de la femme.
Rues silencieuses, un soir
à Bergen - © Alain
Martin
A l'Athénée, il y a dans le programme, que
distribuaient à la première les ouvreuses
d'orange joliment vétues, une phrase de Lola Gruber :
« Plutôt que le soleil noir de Nerval, la
mélancolie de Fosse semble celle d'une trop vive
clarté, une lumière aveuglante qui brouille
puis détruit le contour des
choses ».
On peut l'affirmer, sans craindre l'exotisme, : la
Norvège a beau être un pays du Nord, elle est
Terre de lumière. Un peu moins peut-être
à Bergen, où il pleut beaucoup,
Bergen,
ville de Jon Fosse, l'auteur. Mais enfin, les maisons y sont
peintes de couleurs pastels, et le soleil des soirs
d'automne n'a rien à envier aux pays du Sud. Jon
Fosse campe ses personnages dans la lumière, donc.
Mais cela ne veut pas dire que tout soit clair !
Cet éclairage crû donne parfois au crâne
de l'homme, au centre de la pièce, des faux airs de
vanité. L'homme et la femme déambulent
durant tout le spectacle dans un petit cimetière de
Bergen. Et, comme la Vie et la Mort y sont
évoquées bien des fois, pourquoi ne pas voir
ici le crâne périssable de l'(H)homme
très attaché à la matière, au
rationnel (et même au sexe de temps à autres),
alors que, malgré ses cheveux prêts à se
défaire et sa robe écarlate qui parfois
ondule, la (F)femme peut sembler plus portée vers
l'intelligence (des situations) et les choses de l'esprit.
N'est-ce pas elle qui confie regarder souvent les
fenêtres de la ville, pensant que derrière
chacune d'elle, on voit des gens ne font que passer,
disparaîtront bientôt
« remplacés par d'autres
gens », échouant dans ce
cimetière ?
Certaines phrases sont répétées en
échos
« Peut-être »
« Ce n'est pas
ça »
Elle pense et lui se tait. A moins que ce soit le
contraire, après tout. « Les choses se
passent comme ça », dit-elle, dit-il.
Certaines phrases sont répétées en
échos, martèlent le sens, lequel, finalement,
fait marche arrière.
« Peut-être » et
« Ce n'est pas ça »
sèment le trouble
Oui, mais alors ?
Nous croyions avoir compris. Un homme marié retrouve
par hasard - vraiment ? - la femme qu'il a
aimée vingt ans plus tôt. Ils se parlent,
forcément mélancoliques
Deux
gestes
et leurs mains se rencontrent.
« J'ai souvent pensé à
toi ». Etc. Jusque là, rien de bien
sensationnel.
L'homme doit rejoindre son père pour l'enterrement de
sa grand-mère. Là, rapidement, les pistes que
nous avions cru suivre s'effacent l'une après l'autre
: l'homme est-il divorcé, l'enterrement suit-il la
rencontre, et de combien de temps ? L'homme présente
la femme - enfin, son amie, son ancienne amie, sa
nouvelle femme peut-être ? -, ils disent
être « restés longtemps
ensemble ». Par la pensée, ou pour de
bon dans une de ces vieilles maisons qu'il adore acheter,
habiter puis revendre ? Revenons donc au
Et ce titre : « Rêve
d'automne ». Est-ce l'automne qui rêve,
ou la rêverie qui prend place en cette saison de
l'achèvement ?
Les rappels, le 25 septembre 2008 - © Alain Martin
Peut-être la cloche a bien sonné trois
heures. Peut-être.
Voilà déjà bien trop d'indices. Il
faudra vous laisser porter par le rythme, penser, comme eux,
que peut-être une femme s'est fait prendre par un
homme dans le cimetière, que peut-être l'homme
se fout de son fils
Peut-être aussi sont-ils
allés dormir ensemble dans cet hôtel ou un
autre, peut-être a-t-elle bien été
présentée à ses parents,
peut-être la cloche a bien sonné trois heures.
Peut-être.
Que d' hésitations dans ce « Rêve
d'automne »
L'auteur a voulu tordre le
sens et le temps, voudra-t-il conclure ?
[am, 30/08/08]
Merci à Estelle Laurentin (presse), au
Théâtre de l'Athénée Louis-Jouvet
et à Irène Jacob.
|
|
© alain martin
« La vie est un ciel avec des nuages avant la
tombée de la nuit. »
[Rêve d'automne, Jon Fosse]
|
|