Rio, Sexe, Comédie

Brésil, terre de contrastes


© Paula Prandini pour Cinema Dependant

Pourquoi faut-il aller (re)voir le film ?

Parce que sous l'apparent bazar des personnages et des situations, Nossiter filme avec sensibilité, par petites touches, un Rio qu'il connaît bien (y compris les favellas !). Il est capable, par nature, de réconcilier l'aspect charnel et les préoccupations intellectuelles de ses protagonistes.
Ne pas s'arrêter au titre et au look de l'affiche. A sa sortie, le film n'a été distribué que dans une trentaine de salles en france, cette diffusion (voir ci-dessus) sur arte est donc la bonne occasion de terminer la semaine en beauté !

> scène coupée, Irène chante : voir la vidéo 

Jonathan Nossiter dialogue longuement avec Irène Jacob à la Fnac Ternes le 21 février 2011 (débat animé par Alain Krüger) © alain martin

Rio, Fnac, comédie

C'est Alain Kruger (Canal+, France24) qui animait cette rencontre au forum de la Fnac Ternes à Paris, le 21 février 2011. Charlotte Rampling n'a pu venir mais Jonathan Nossiter et Irène Jacob étaient bels et bien là.
D'emblée, Alain Kruger déclare qu'il a vraiment aimé le film (et que par ailleurs il est tombé amoureux d'Irène Jacob depuis très longtemps, mais c'est une autre histoire).
Sa passion (pour le film), il la confirmera au fil des questions. Quant à Jonathan Nossiter, il est comme on l'aime, opiniâtre, et dit simplement ce qui doit être dit : les difficultés de production mais aussi les grandes joies que lui a réservé le film, notamment dans la direction d'acteurs et la description du Brésil où il est installé depuis plusieurs années, ses colères et son optimisme malgré la situation qui, à Rio, ne s'est pas vraiment arrangée. Ainsi, aujourd'hui, une favella est entourée d'un mur : « Ce qui était une blague pour nous, qu'on critiquait comme une exagération, quand nous tournions, existe vraiment ! Le Gouverneur de Rio l'a fait, pour ostensiblement protéger les gens de la forêt et réciproquement. Mais, en fait, il les enferme, et empêche le regard sur les favellas. »
Il y eut aussi des questions sur le formatage du vin… et du cinéma. On apprit ainsi que le film est lancé avec 30 copies pour toute la France. C'est peu, mais tout se jouera dans les premiers jours. Donc, à la question du public : « y aura-t-il une suite, comme pour Mondovino ? », Jonathan Nossiter répond qu'il attend pour se relancer dans une telle aventure. Irène Jacob, de son côté, confirme l'investissement d'énergie énorme de Jonathan pour que l'aboutissement de ce film (réalisé en coproduction avec les acteurs et techniciens, sur 4 ou 5 mois de tournage et 4-5 ans, soit beaucoup plus que dans le cadre d'une production classique).

[am, 22/02/11]
La version “courte”, Rio, sexe et (un peu de) tragi-comédie, a été diffusée sur Arte en mars 2013.

Irène (Jacob), Charlotte (Rampling) et Jonathan Nossiter, le réalisateur, présentent le film à Paris, le 26 janvier 2010. © alain martin

Rio, Sexe, (tragi)comédie, c'est parti !

Avant-première du film de Jonathan Nossiter (Mondovino, etc.) enfin prêt pour une sortie en France fin février (le 23). L'équipe était là, pour la présentation, puis ensuite autour du buffet : l'occasion de recueillir de très bonnes impressions sur ce dernier montage. Ce film presque choral a le goût d'un cocktail multivitaminé pour brochette d'acteurs aux petits soins de cette franche (mais tragi-) comédie, entre favellas et Copacabana… On y croise un ambassadeur américain humaniste en cavale, un tour-operator déjanté tombé raide dingue amoureux d'une belle amazonienne et ce dès le générique, une réalisatrice de docu' (Irène jouée par Irène), une chirurgienne de haut vol (Charlotte jouée par Charlotte), etc. et on parle anglais, brésilien, indien… et un peu français.

Entre regard réaliste et fiction éroticomique…

Outre son rythme soutenu, le film tient en haleine, si l'on peut dire, par la juste proportion, les oscillations parfois (montage rapide de séquences) entre réalisme (le reportage d'Irène sur la condition des domestiques à Rio, ses questions mal choisies, le regard porté sur le schisme favelas vs quartier résidentiel tout proche…) et éléments de pure fiction éroti-comique (les ébats d'Irène et Robert, ceux moins réussis du tour operator ou simulés de Charlotte… sans parler d'Antoine…).
Jonathan Nossiter à l'art d'introduire de nouvelles situations avant que nous nous lassions. Ainsi, nous visitons bons nombres de cliniques de chirurgie esthétique, sur les pas de Charlotte, mais aussi la cabane d'une prêtresse fumeuse de cigares. Ou encore, l'escapade de l'ambassadeur part rapidement en vrille (« Là, tu as ouvert la boîte de Pandore ! ») et se transforme en présentations délirantes à d'éventuels sponsors d'un projet d'ONG particulièrement out-of-box !

Mais encore ?

D'emblée, le film adopte un ton léger, les premiers plans étant ceux du coup de foudre du tour-operator pour la belle indienne ou les déambulations de Charlotte sous le soleil de Rio. Rapidement, pourtant, d'autres éléments perturbent le fil trop facile de cette (trahi?) comédie, comme l'enquête d'Irène auprès des domestiques, qui semble bien maladroite, si l'on en juge par les efforts de conciliation de sa traductrice et l'improbable échappée de l'ambassadeur américain dans une favella, malgré sa garde rapprochée.
Mais encore… Que retenir de ce film vaguement choral et profondément coopératif ? (Irène Jacob pointait lors de l'avant-première un autre talent du réalisateur : avoir su rassembler et motiver un beau casting au service de son film)
Il est question de sexe, comme le titre l'annonce clairement, et les batifolages des Occidentaux en terre brésilienne ne cesseront de revenir perturber ce qu'on aurait pu percevoir comme un regard critique sur le tourisme de masse, le contraste étonnant (quelques centaines de mètres les séparent) entre quartiers résidentiels et favellas.
Alors finalement : dépeindre ou faire l'amour ? Jonathan Nossiter marivaude lui aussi, monte le son durant les scènes de sexe dans une sorte de Guide pratique des 5 à 7 à Rio (avec petit glossaire des orgasmes) ; il tourne en farce les efforts conjoints du tour operator et de l'ambassadeur à monter une ONG (La présentation d'un plan de campagne, avec filles, à un chargé de com' pour les nuls), plaisante sur le business de la chirurgie esthétique (« je t'offre une opération, tu choisis quoi ? », s'entend proposer Irène) ou encore le sort des peuples d'Amazonie (où l'on assiste à la parade nuptiale des bons sauvages pour touristes ébahis, suivi de « passez la monnaie pour aider la Cause ! »).
Mais, après tout, personne n'est dupe.
Alors : comédie, à fond les manettes ; sexe, omniprésent ; Rio, décrite dans sa complexité, donc loin des clichés. Avec ce ambiguïté à souligner, entre réalisme (le documentaire dans le film) et fiction.

[am, 21 /02/11]
Merci à Irène Jacob pour l'invitation à l'avant-première.

Extrait des propos du réalisateur sur son blog

« Prenons l'exemple d'Irène [NDLR: le personnage dans le film]. A force de tenir des propos politiquement corrects, hypocrites à souhait, on pourrait facilement la considérer comme une méprisable musaraigne. Mais la délicatesse pleine d'insouciance d'Irène Jacob et sa capacité à exprimer l'angoisse et le remords, sans auto-apitoiement, la rendent émouvante, contre toute attente. Dans ses échanges avec son mari Jean-Marc Roulot qu'elle trompe et avec sa bonne, qu'elle ne peut pas cerner et qui la trahit aussi, elle s'adoucit et donne à son personnage une troublante complexité, miroir de la sophistication et la subtilité du jeu de Roulot. Elle finit par nous être sympathique même si nous pouvons reconnaître, dans son attitude, nos propres incohérences personnelles et politiques. »

 

Rio, sexe et (tragi)comédie (2010)
La diffusion prévue initalement en 2009 sur Arte a été reportée en… 2013 (!), avec une sortie en salles en France le 23 février 2011.

Réalisation et scénario :
Jonathan Nossiter

Irène Jacob est Irène.
Avec aussi :
Charlotte Rampling, Charlotte
Bill Pullman, William
Jérôme Kircher, Robert
Jean-Marc Roulot, Antoine
Daniela Dams, Iracema
David Jarre, Alex
Mary Sheila, Maria Angelica
Patrick Breen Frank
Bob Nadkarni, Bob
Branca Messina, Tatiana
Fisher Stevens, Fish
Ivo Pitanguy et Marcos 'Kikito' Junqueira dans leur propre rôle…
Coproduit par ARTE France et Cinema Dependant.
Producteurs : Matias Mariani et Jonathan Nossiter
Co-producteurs : Santiago Amigorena, Philippe Carcassonne, Matias Mariani, Flávio R. Tambellini
et avec la participation des techniciens et acteurs à la production.

Image : Lubomir Bakchev
Montage : Sophie Brunet et Jonathan Nossiter

Jonathan Nossiter a tourné au Brésil de début juillet à novembre 2008 cette « comédie légère sur les aventures mouvementées d'expatriés à Rio de Janeiro, chacun en quête de renouvellement professionnel et d'une certaine idée de la philanthropie et de justice sociale qu'ils n'ont pu trouver chez eux. »

 

> Ils aiment…

(plus ou moins) et en parlent (extraits d'un nombre imposant d'échos et critiques dans la presse)

« De ce tableau pétillant, Nossiter tire un film foutraque et joyeux, à la fois ode et satire des fantasmes qui entourent Rio. […] filmé avec beaucoup d'humour, au défi des clichés et des conventions. »
[JDD]

« sous le titre Comédie érotique d'une nuit brésilienne la critique du film conclut : « […] la vraie cible de Nossiter, c'est la bonne conscience de gauche, et dans plusieurs scènes, son sens de la satire fait mouche. Farcesque et foutraque, Rio Sex Comedy prend le risque d'égarer le spectateur de favelas au Corcovado, mais réserve tout de même quelques moments franchement drôles. »
[Le Point

A lire, les propos de Jonathan Nossiter recueillis par Jean-Daniel Kientz sur L'Alsace.fr. Notamment : « J'ai rêvé de faire un film à Rio. […] Il y a dans ce pays une intensité, une immédiateté jubilatoire et dérangeante. Je me souviens de New York dans les années 1970, une ville profondément démocratique où des gens de gauche et de droite se parlaient. […] Aujourd'hui, tout cela est perdu et ça n'a plus cette vitalité que je trouve au Brésil. » ou encore, à propos des favelas : « La moitié de la population de Rio vit dans ces quartiers, qui seraient le repère de bandits et de trafiquants. C'est sensationnel de dire ça ! Mais une favela définit d'abord une communauté de gens qui portent des valeurs. […] » et sur la production du film : « […] Nous avons monté ce film dans un esprit de coopérative, où techniciens et acteurs sont coproducteurs. L'establishment n'a pas cru au film, comme il a rapidement détesté le geste même. ».
> site l'Alsace.fr

Bourgogne Live ne pouvait pas moins que proposer une interview de Jean-Marc Roulot, acteur ET vigneron à Meursault. Info + interview bourguignonne…

Le Journal du Dimanche : «[…] De ce tableau pétillant, Nossiter tire un film foutraque et joyeux, à la fois ode et satire des fantasmes qui entourent Rio. »
[JDD, Alexis Campion]

« […] Même si, de film en film, se décline un certain talent pour brouiller les genres du documentaire et de la fiction, Jonathan Nossiter n'est jamais là où on l'attend. »
[Mediapart.fr

« […] La musique, omniprésente, apporte à cette charmante comédie une insouciance intelligente. Et puis, bien-sûr, Charlotte Rampling, Bill Pullman, Irène Jacob et les autres au top de leur forme! Deux heures qui passent comme une, et le sentiment d'avoir vécu un joli moment de cinéma. »
[Toutelaculture.com]

« Malgré ses apparences de comédie débridée, le film ne tombe jamais dans l'excès, et est par conséquent d'une justesse de ton remarquable. […] Nossiter travaille avec finesse et humanité la destinée de ses personnages. Les nombreuses qualités de Rio Sex Comedy dépendent ainsi essentiellement de son écriture millimétrée et corrosive. On en oublierait presque que Nossiter néglige, presque ostensiblement, la mise en scène. » [Julien Hairault, wordpress.com]

Même Les Cahiers du cinéma se sont fendus d'un : « D'où vient pourtant que cet improbable chassé-croisé cariocain au titre repoussoir, s'il est loin d'emporter le morceau, n'est peut-être pas aussi bête qu'il en a l'air ? » [Jean-Philippe Tessé]

> Ils n'aiment pas…

« [… ] un nanar désarmant de naïveté [… ] la douce Irène Jacob en anthropologue bobo  […] Nossiter, Père Ubu mâtiné de Candide, […] colle sa vision politique d'un monde idéal débarrassé de son hypocrisie et se moque des faux dévots altermondialistes et des expatriés désarmés face à un pays qui échappe aux étiquettes mais pas aux clichés. Question : les bons sentiments font-ils du bon cinéma ? Manifestement non. »
[Le Figaro]

Enfin, France 2 s'endort dans la salle : « Nossiter exprime son sentiment d'une façon quelque peu anarchique et cela participe de son propos. De ce point de vus fond et sens vont de pair. Mais une fois le système compris, l'on décroche pour s'assoupir dans des scènes à répétition. »