Trois couleurs : Rouge

Couleur Fraternité, couleur passion

« Je pense que la Fraternité est l'un des trois mots qui me sont les plus proches, j'ai l'impression qu'elle est la moins abstraite, qu'elle est tout à fait possible. La fraternité est montrée dans ce film d'une façon simple : la manière d'accorder un peu de temps à l'autre. Rouge est basé sur le fait que la fraternité, ça peut être juste un moment de conversation avec l'autre, et que ce moment peut changer sa vie. » (Krzysztof Kieslowski)

Le film ultime de Kieslowski

Dernier volet de la trilogie Trois couleurs : Bleu, Blanc, Rouge, projet ambitieux soutenu par Marin Karmitz, longuement préparé puis tourné en 1922 et 1993 en France, Pologne et Suisse, il succède à l'histoire de la femme d'un compositeur mort dans un accident de voiture (Bleu, avec Juliette Binoche) et de celle d'un coiffeur polonais qui chercher à reconquérir sa femme française divorcée (Blanc, avec Zbigniew Zamachowski et July Delpy). Agitée par des sentiments contradictoires - moitié dégoût, moitié attirance - envers la personne d'un juge à la retraite (Jean-Louis Trintignant) dont elle vient d'écraser accidentellement la chienne (Rita), Valentine (Irène Jacob), jeune étudiante et à l'occasion aussi mannequin, ne sait que penser et que faire. Instinctivement, elle dit : « On ne peut avoir que de la pitié pour vous ».
Elle a découvert le juge Kern dans sa grande maison, solitaire, passant ses journées à écouter ses voisins avec un matériel d'écoute sophistiqué (le même qui a brouillé les fréquences de son auto-radio et causé l'accident avec la chienne). Puis, une étrange curiosité l'a attirée de nouveau dans ce quartier cossu au sud de Genève. Seulement voilà :
« Valentine essaie de penser aux autres, mais elle le fait exclusivement de son point de vue. Il n'en existe pas d'autre. Nous sommes tous comme elle. »

[Kieslowski - Le cinéma et moi]

Le rouge est très présent dans le film, mais malgré cette inflation de la forme, c'est avant tout un film sur les rencontres et les possibles, sur la solitude de l'homme, sur la rencontre de la jeunesse et de la vieillesse, sur le point de non-retour, sur l'état de grâce, aussi : la grâce de Valentine, celle des survivants du ferry, celle du dernier opus kieslowskien.

Le thème annoncé du film était précisément la Fraternité (liée à la troisième couleur du drapeau français : rouge, cette fois). Mais Irène Jacob s'interroge : « qu'est-ce que ça peut être la fraternité entre deux êtres qui n'ont évidemment rien à voir, qui même vont s'opposer au départ ?et comment quelqu'un de si loin de vous, a priori même contre, se retrouve dans un destin tout à fait particulier, pour devenir finalement une personne qui va être très proche de votre intimité.
J'ai l'impression qu'à chaque fois dans son écriture, Krzysztof essayait, avec son co-scénariste, de trouver une situation extrême
… »

[Irène Jacob, présentant Rouge lors de l'Hommage à Irène Jacob à Alès]

"l'Hommage à Kieslowski" ,10 novembre 2006, Tourcoing

Irène Jacob répondait aux questions de Christian Szafraniak, organisateur de, notamment sur Rouge. Extraits :
[…] Irène Jacob. « Quand Krzysztof Kieslowski travaillait, c'était toujours avec d'autres réalisateurs qui allait lui donner des avis, avec des vraies discussions […] il y avait vraiment une réflexion partagée, commune, qui, déjà, les stimulait pour le cinéma. Je crois que j'ai tout de suite été interpellée par l'intelligence de ce cinéma mais surtout la tendresse qu'il avait pour les gens…»

« Valentine est au départ de sa vie et ne sait quoi faire de ses tristesses, de ses questions (…) Entre [le juge et elle], il y a un affrontement entier , qui ouvre à chacun d'autres horizons sur sa propre existence(…) Tout à coup, une rencontre vous définit mieux que rien d'autre, vous fait grandir et devenir plus intimement vous-même. C'est une qualité très humaine, que nous avons tous, mais que nous n'utilisons pas tous, de pouvoir être révélés par un autre. »
[Irène Jacob citée par M-N. Tranchant, le Figaro du 16/05/94]

"Rouge a été pour moi une expérience bouleversante, du fait que le film se tournait à Genève, la ville où j'ai grandi… […] Le tournage a été extraordinaire pour moi : la rencontre avec Jean-Louis Trintignant, l'histoire que raconte le film, le travail avec Krzysztof… […] Ces trois semaines de confrontation ont été douloureuses. […] Je me souviens d'un jour où je ne pouvais plus rien avaler. Le paradoxe, c'est que beaucoup de gens, après avoir vu le film, m'ont dit : "Mais vous incarnez un personnage très doux !". Cela m'étonnait, car je pensais avoir joué un monstre". »
[Commentaire d'Irène Jacob pour le DVD de Rouge, la suite (détaillée) sur le DVD de mk2]

> Plus le film sur www.Kieslowski.eu !

 


(DR/Photo Piotr Jaxa)

Trois couleurs : Rouge
1h39' - France, Pologne, Suisse (1994)
Réalisateur : Krzysztof Kieslowski
Scénario : Krzysztof Kieslowski et Krzysztof Piesiewicz
Consultation scénario : Agnieszka Holland, Edward Zebrowski, Piotr Sobocinski
Production : MK2, France 3, CAB Production, Studio Tor
Producteur : Marin Karmitz
Producteur exécutif : Yvon Crenn
Directeur de production : Gérard Ruey
Assistant réalisateur : Emmanuel Finkiel
Casting : Marguerite (Margot) Capelier
Directeur photographie : Piotr Sobocinski
Son : Jean-Claude Laureux
Mixage son : William Flageollet
Montage : Jacques Witta
Décors : Claude Lenoir
Création costumes : Corinne Jorry
Musique : Zbigniew Preisner,
«l'Amour au premier Regard» (J-L.Murat)
Traduction dialogues : Marcin Latallo
Scripte : Genevière Dufour
Interprète : Roman Gren
«Assistant metteur en scène»: Stan Latek
2e équipe : Stan Latek, Hans Meier, Piotr Jaxa (également photographe plateau)…
Avec :
Irène Jacob est Valentine Dussaut
Avec aussi :
Jean-Louis Trintignant, Joseph Kern/Le juge
Jean-Pierre Lorit, Auguste Bruner
Frédérique Feder, Karin
Samuel Le Bihan, Le photographe
Marion Stalens, Le vétérinaire
Jean Schlegel, Le voisin
Elzbieta Jasinska, La femme…
Avec la participation exceptionnelle de :
Juliette Binoche, Julie Vignon (de Courcy)
Julie Delpy, Dominique
Benoît Régent, Olivier
Zbigniew Zamachowski, Karol Karol
Cannes 1994 : sélection officielle ; Prix Georges Méliès 1994 ; César de la musique 1995 ; British Academy Awards 1995 : nomination Meilleure Actrice, etc.