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Les Variations Darwin
un cabinet de curiosités

© alain martin
Selon les auteurs « cette aventure n'a
jamais prétendu réconcilier les deux cultures,
la littéraire et la scientifique », et ils
ajoutent : « notre théâtre n'est pas
là pour vulgariser l'Evolution »
Oui
mais alors, de quoi s'agit-il ?
Des textes sur Charles
« Encore une
scène ? » C'est par scènes,
par tableaux pourrait-on dire, que les variations nous
invitent à re-visiter la pensée et les textes
de Charles Darwin, à retrouver le chemin de
l'Evolution - hier, aujourd'hui, demain -, textes
lus et relus pour l'essentiel par deux comédiennes
(Maud Le Grevellec et Irène Jacob) et que l'ensemble
des comédiens illustre. Lumières,
échantillonnages, musiques de l'Ircam, bruitages sont
aussi du programme
L'homme : un cerveau qui roule en
1 500 cm3
Aors que
« 500 [cm3] auraient
suffi ! » Et Irène lit, sur
scène : « Pas assez de corps, trop
de cerveau », « le cortex
était-ce bien nécessaire ?
»
Effectivement, pendant presque deux heures de
spectacle, toutes ces circonvolutions « qui
font les génies, les tortionnaires ou les
poètes » bouillonnent devant nous. A
une semaine de la première, le Monde recueillait les
impressions de Jean-François Peyret bouclant cette
« usine à gaz »: «
C'est ça qui m'excite encore : l'invention de la
forme. Je ne sais pas ce que ça va donner, ça
commence à vivre, ça
résiste ! »
Le propos ? La vie, son évolution, l'amour (il y a
même quelques accouplements sur scène, afin
d'illustrer le propos), la mort
Tout commence par un
aveugle (ou deux) puis s'enchaîne : la vision,
l'il, le cerveau, la conscience, l'instinct,
jusqu'à la décortication du cerveau, de nos
peurs, de nos joies. Vaste paysage, voyage à
cent-à-l'heure dans les coulisses de l'espèce
humaine, que Charles excuse de s'être
élevée si haut, parmi les autres
Une évocation poétique du
scientifique,
pour laquelle Jean-François Peyret nous propose une
direction d'acteurs et des trouvailles pas vraiment
classiques. Il a placé la barre très haut, a
certainement « pris des
risques », comme nous le précise
Irène Jacob.
Certaines réactions de spectateurs évoquent
la confusion de l'ensemble, il y eût quelques
départs de la salle
mais pour ceux qui
restaient, récompense : une chenille dans
l'obscurité, des comédiens transformés
en oiseaux ou reptiles, peut-être,
et
Irène en Reine des insectes !
La qualité première des Variations Darwin
est peut-être d'accomplir en nous un travail de
mémoire : les journalistes du Monde et de
Libération eux-mêmes ont retrouvé
des images parallèles (qui des amphibies, qui un
tableau hollandais aux têtes de chou
). Nous
avions en tête, pour notre part, les
découvertes aux détours des galeries du
National History Museum (une aile est consacrée
à Darwin) ou ces articles toujours fascinant sur le
fonctionnement du cerveau ou de l'il que nous livrent
périodiquement les revues scientifiques
Un autre regard sur Darwin qui fait beaucoup appel
à la mémoire, collective et individuelle.

© alain martin
Un sacré cabinet de curiosités, en tout
cas.
En avant de la corbeille, on embrassait la scène
comme une véritable expérience
Lensemble est dense, fourmille de détails.
Trois scènes parfois se jouaient en simultané
(sans parler des accompagnements sonores) :
était-ce une manière de tester la
capacité de notre cerveau à recevoir des
images, des sons, des émotions, aussi ? Ce
« cerveau trop gros », un acteur
à part entière des Variations Darwin,
décidemment.

© alain martin (évocation non
contractuelle)
Pourquoi un chou-fleur sur l'affiche ?
Dans la mise en scène (faussement minimaliste) des
objets simples sont utilisés, mis en
lumière : un uf, un journal, un banc
Le superbe chou de l'affiche n'est pas sans évoquer
les circonvolutions d'un cerveau (notez plusieurs visions
autant daliniennes que darwiniennes dans ces
Variations). On retrouvait ce légume - un
chou vert en fait - assemblé au sommet du corps
d'une jolie plante (enfin, d'une comédienne)
[am, 19-11-04]
Merci au Théâtre de Chaillot et à
Irène Jacob.
«
un théâtre soucieux
de ce que la science dit du vivant, ne pouvait qu'être
fasciné par ce grand
« inventeur » des formes que fut
Darwin
»
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DR
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Les Variations Darwin
Spectacle de Jean-François Peyret
& Alain Prochiantz
Mise en scène: Jean-François
Peyret
Théâtre de Chaillot, Paris, du
17 nov au 18 déc 2004 puis en
tournée en 2005 :
- Théâtre National de Strasbourg
- Théâtre du Port de la Lune
- Théâtre de Caen
Avec, suivant la classification alphabétique
et non l'ordre des espèces :
Mathieu Amalric
Marc Bodnar
Irène Jacob
Maud Le Grevellec
Marie Payen
Jean-Baptiste Verquin
Clément Victor
Musique : Alexandros Markéas,
résidence de création Ircam-Centre
Pompidou
informatique musicale Ircam-Centre
Pompidou
Production: Théâtre National de
Chaillot/ Théâtre National de
Strasbourg/ Tf2-Cie Jean-François Peyret
avec la participation artistique du Jeune
Théâtre National et le soutien de
l'Ircam-Centre Pompidou
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© alain martin
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