A cause des Filles..?
“Un grand moment de souffrance” dans une “Screwball comedy”
2019 - France - 96'
Irène Jacob est Eliane dans le film choral de Pascal Thomas. Lors d'un mariage d’où le mari s’est enfui juste après la cérémonie, les invités tentent de remonter le moral de la mariée et échangent sur le couple et les vissicitudes des amours…
Espoirs et malheurs d’Eliane
« Vous vous souvenez d’Eliane, la créatrice de costume chez qui tu travailles ? » Comme dans les autres épisodes, la touche fluide et rapide du réalisateur nous brosse un portrait efficace et rapide de cette Eliane [Irène Jacob], dont on comprend vite l’amour contrarié : elle « aime à la folie un homme politique qui n’avait jamais voulu divorcer », Michel [Laurent Lucas, partenaire d'Irène dans Automne].Pourtant, ce jour-là, la petite musique de connection de Skype se fait entendre et Michel lui apprend tout de go que sa femme est morte dans un accident de voiture (rocambolesque). Il la supplie de le rejoindre, ne pouvant pas « passer la nuit seul avec ce cadavre ». Alors qu’Eliane veut se vêtir de noir, en quelque sorte endeuillée, une collègue l’en dissuade et voici qu’Eliane passe chemisier blanc et robe verte plissée : « le ciel se dégage », elle sourit : « il est enfin à moi ! ». Eliane chantonne dans sa voiture : « ta-la-la-ti-bi-la-la, etc. » : peut-être le prélude d’une nouvelle vie ?
Une femme peut en gâcher une autre…
C’est sous la neige qu’Eliane arrive dans la demeure de Michel. Nous ne vous dirons pas ce qui arrive tout d’abord (sans doute prévisible), ni ce qu’il advient ensuite (peut-être prévisible pour les plus fins d’entre vous). Sachez seulement qu’Eliane va illustrer dans cet épisode la manière qu’à Pascal Thomas de passer du rire au larme, de cette légèreté qui nimbe le film à des moments brefs mais terribles de drame et de solitude.Boire pour oublier ? Chantez, chantez maintenant…
Peut-être, comme la belle-mère de la mariée, qui descend verres et bouteilles de blanc tout au long du film (est-ce bien raisonnable ?), faut-il continuer à faire la noce, et prendre ce film pour ce qu’il est : un catalogue un peu foutraque mais joliment établi de tout ce qui nous arrive… à cause des Filles… mais aussi des mecs : car quand Michel (l’amant d’Eliane, donc) soupire : « Toujours trahi par les femmes », on entend tout aussi bien : « Toujours trahi par les hommes » !Mentions spéciales aux prestations étonnantes de Rossy de Palma en “modèle-qui-pose-à-l’antique” (où l’on apprend comment mater à la Grande-Chaumière) ou de Marie-Agnès Gillot dansant la Mort auprès d’Orphée [Pierre Richard].
Intéressante, aussi, l’utilisation de la musique de La Tarwiwa Orchestra [« Seabird, seabird… » ], jusqu'au générique de fin qui martèle A cause des Filles !…
Vous découvrirez bien d’autres choses encore (un catalogue, vous dis-je), entre tatouages de Beaudelaire [sic], tests ADN aux résultats surprenants, premier chagrin d'amour (à 10 ans) ou une femme énigmatique jamais croisée : en quelque sorte, Celle qu'on a pas eue…
L’imperturbable légèreté de… Pascal Thomas
Interrogé sur son style de cinéma à l'occasion de cette sortie, Pascal Thomas [La Dillettante, Le Crime est notre Affaire, Les Maris, les Femmes, les Amants] est catégorique, dans son genre : « Je suis en effet dilettante, léger, insouciant. Je suis un amateur… » Et plus loin : « J’aime amuser, divertir. Il m’arrive parfois de glisser dans mes films certaines phrases qui peuvent être perçues comme des professions de foi, mais je le fais avec retenue, l’air de rien. » Le réalisateur persiste et signe, citant Léautaud qui « se demandait pourquoi on écrivait des tragédies puisque dans la comédie, il y a toujours la tragédie ».Alors oui, A cause des Filles..? ne ressemble pas à ces films qu’on entreprend comme une mission, comme l’ultime, comme si l’on devait mourir au mot “FIN”. Pascal Thomas serait plutôt du genre à rêvasser entre deux prises un nouveau projet, tout ne sachant pas très bien comment il se concrétisera… Ainsi, plusieurs séquences d’A cause des Filles..?, notamment les apparitions de Rossy de Palma et de Marie-Agnès Gillot (mentionnées plus haut) n’étaient pas prévues au scénario, et, à l’image de la météo changeante du Cap-Ferret, la lumière, les dialogues et l’action même ont beaucoup bougé, dans un work-in-progress… Enfin, laissons-lui la parole, au moment de définir son film : « […] Le but de la promenade n’est pas de poser le pied sur une terre étrangère mais de le poser sur une terre connue, la nôtre, “comme s’il s’agissait d’une terre étrangère”. »