Irène Jacob et Isabelle Carré à l'avant-première à l'Atelier - © a. martin
Cinq filles couleur pêche
Ballet saumon
2003 - Théâtre de l'Atelier, Paris - ±1h40

Vendredi 5 septembre 2003 : le rideau s'ouvre sur une chambre cossue. Des fleurs sur l'affiche, mais des fleurs aussi au tissu des fauteuils, et jusque sur la moquette, sur les poufs. Quelques notes de fuschia… plusieurs sièges et un lit blanc. Nous sommes dans le Sud… des Etats-Unis (celui du texte d'Alan Ball -American Beauty ).

On ne la « fait pas » à nos cinq filles ! Pour la couleur annoncée, pas de surprise : pêche, pêche, pêche ! Pêche aussi, les cinq robes Poupée Barbie qu'elles ont consenties à revêtir pour être les demoiselles de compagnie au mariage de leur amie, Sandy. Mais ces demoiselles jurent comme des charretiers… enfin comme des jeunes filles américaines. Elles se racontent leur cinq vérités, coincées dans la chambre du haut, cette jolie bonbonnière plutôt boîte de Pandore d'où finiront bien par sortir tous les mots de la Terre ! Avec humour, bien entendu. Ca fume, ça boit, ça débine… oreilles chastes s'abstenir ! L'une n'en peux plus et retire ses chaussures puis finalement sa robe, l'autre pense arracher le rideau pour s'en faire une robe à la Autant en emporte le vent… mais cette fois, elle n'a pas choisi le papier peint ! (« ah! ah! ah! » dans la salle !) Au fait, connaissent-elles vraiment cette Sandy, la mariée ? Car c'est plutôt d'elles, de leurs envies, de leurs désirs, de leurs petits secrets dont il va être question.
© alain martin Toutes les filles… et Julia accoudée au fauteuil Les dessins exclusifs

Julia serait-elle la plus sage ?

Julia (Irène Jacob), plus calme ? Oui. Non. Enfin, elle se révèle un peu plus tard ! Irène entre en scène au bout de quelques minutes (sur son jeu, rien à dire : du sérieux et de la légèreté…). Première réplique de Julia (la copine « belle comme une Rolls): « Alors j'aurais pu être là plus tôt mais je me suis fait coincée sur l'parking par une espèce de ringard comme toujours avec soi-disant une histoire : “…c'est formidable de te revoir, on peut ressortir ensemble ?” Alors, pour qu'il me lâche, je lui ai dit : “Mais ouais bien sûr, t'as 600 dollars ?…” » (La suite au théâtre !) Puis Julia plombe également les copines, précise qu'elle s'est tapé pas mille, non, mais au moins une centaine de mecs et fume un joint (que Margaret qui l'a apporté)…
Quelques jours avant la première, tout n'était pas calé, il manquait quelque chose d'indéfinissable… N'ayant pas l'assurance de Julia et des autres, d'Irène qui descend des planches et vous dit : « Oui, oui, c'est normal, nous ne sommes pas tout à fait prêts » (à 48 h de la première !!!), la perplexité pouvait vous gagner. Le metteur en scène, Yvon Marciano, surchargeait son texte d'annotations : il semble qu'elles aient servi !

De l'importance du public…

Car, à l'heure dite, la pièce démarrait et les six comédiens nous emmenaient dans ce qui pourrait bien être un succès de la rentrée. L'occasion en tout cas, comme sait si bien le faire L'Atelier, de découvrir un texte américain, ici une chambre avec cinq filles à l'intérieur : imaginez le tableau… Non, allez voir ! Car comme nous le précisait Irène Jacob : « c'est plus une pièce à jouer et à voir… qu'à lire dans son fauteuil !»
Courant octobre, la pièce roulait vraiment sur ces rails. Si la durée totale de la pièce a été légèrement rallongée, les dialogues paraissent pourtant plus vifs et il doit y avoir peut-être une demi-seconde de moins entre répliques, cette sensation que l'une coupe presque la parole de l'autre, qui les rend plus aggressives et vivantes. Détail auquel s'ajoutent quelques gestes réétudiés, plus forcés parfois (dans le jeu de Brenda par exemple). Enfin, Trip, lui qui arrive si tard dans ce monde de fille, va finir par imposer sa présence (ce qui n'était moins évident le mois dernier) ! Voici donc un de ces textes qui vaut surtout par la mise en scène et la rencontre des interprètes et du public. Et l’on suppose l'un et l'autre prêt à renouveler le pacte dans cette salle fétiche, celui de Résonances en 2000. Du vrai théâtre, en somme. Dans la boîte de Pandore, il reste bien quelque chose à la fin, non ?
[am, 6 sept 2003]
Merci à Irène Jacob.

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Cinq filles couleur pêche

de Alan Ball, (Five women wearing the same dress)
Du 5 septembre 2003 au 3 janvier 2004 Théâtre de l'Atelier - Environ 1h40, sans entracte.
Adaptation théâtrale d'Yvon Marciano et Anny Romand - Mise en scène : Yvon Marciano - Assistante : Caroline Gonce.
Irène Jacob est Julia - avec aussi : Camille Japy (Georgia, grande blonde malheureuse), Elisabeth Vitali (Brenda, tonique, adore les petits fours… et les filles), Constance Dollé (Margaret, rêve de mettre la pagaille dans ce mariage), Adriana Santini (Frances, ne boit pas, ne fume pas, ne drague pas -au désespoir de ses amies- : elle est croyante), Michael Cohen (Tripp, un homme, enfin, pénètre dans la chambre !)
Décor : Olivier Prost assisté de Marie-Hélène Prost - Lumières : Pierre Befve - Son : Vincent Butori…