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La Mouette
Une actrice qui rêve de gloire…
2002

Le 6 octobre 1896, à Pétersbourg, Tchékhov est effondré par l'échec de La Mouette : le public, venu pour une actrice… qui n'est même pas dans la distribution, boude, tourne le dos à la scène. Un échec dont il n'est pas sûr que l'auteur se soit entièrement remis, lui qui aimait le théâtre plus que la médecine, sans doute.

Le succès de La Mouette originale viendra avec la deuxième représentation. Et surtout lors de la création à Moscou, au Théâtre des Arts (qui a gardé l'emblème d'une mouette). Depuis, il y eut bien des Mouette dans les théâtres. Voici celle de Philippe Calvario. Arrivée dans la Capitale, après quelques représentations à Rennes, elle aussi, elle a changé… Fini l'entracte controversé (voir notre critique sur La Mouette à Rennes). Dans la salle chaleureuse des Bouffes du Nord, à même le parterre, s'étend la pelouse où la troupe a trouvé ses marques. Dans un décor remanié, nous voici de nouveau trois heures à la campagne, loin de Moscou, en compagnie de personnages curieux, de prime abord. Pourtant, c'est avec eux que vous repartirez… Mais qu'emportez-vous au retour ? Qu'avez-vous donc en tête, lorsque les portes du théâtre se referment, que les conversations reprennent ? L'air de Somewhere over the rainbow ? La figure de la pauvre Macha qui ne boit pas en cachette, elle ? Des impressions mitigées devant cet écrivain célèbre, qui ne peut s'empêcher, à tout instant, de prendre des notes, au cas où ? Une sympathie grandissante pour Konstantin, célèbre un jour, peut-être ? Ou encore l'instituteur qui fera toujours ses « six vestres à pied jusqu'à la gare », pour ne pas gêner… Mais aussi… La lune sur le lac, que vous aurez cru apercevoir… à moins que ce ne soit le cri d'une mouette (« Tchaiiiïka!!! »), un coup de feu, un coup de cœur…

« Je suis une mouette, non ce n'est pas ça… je suis une actrice !!! »

Alors, mouette ou actrice, Irène Jacob ? Peut-être les deux ? « Il faut montrer la vie non telle qu'elle est, ni telle qu'elle doit être, mais telle qu'elle nous apparaît en rêve. » [Tchekhov - La Mouette]
Le 16 juin au soir, les rappels et quelques bouquets à une Nina émue pour la "dernière" de la "seconde" Mouette. La petite histoire : Dominique Blanc (Mouette n°1, qui avait été victime d'un accident aux répétitions, donc convalescente) n'ayant toujours pas repris le rôle de Nina tenu par Irène Jacob (Mouette n°2), laquelle devait honorer d'autres contrats, c'est Julie Harnois qui tint le rôle de la "Mouette" n°3, du 18 au 30 juin.

Irène à Rennes

« I can't get no… satisfaction ! » Whaoff ! Ca démarre comme cela, ce n'est pas encore du Tchekhov, mais ça viendra. D'autres musiques suivront, sans nuire à la qualité et à l'équilibre de l'ensemble. Le rideau se baisse trop rapidement sur un petit théâtre de plein-air. Nina, jeune comédienne alias Irène Jacob, qui -serait-ce le geste ou la jupe, ou les deux ?- parvient à paraître les 18 ans qui conviennent à l'héroïne ! Nina tente d'interpréter la pièce d'un jeune auteur, Konstantin, devant un parterre de familiers. Mais, lassé des quolibets, Konstantin a coupé court. Voilà pour la pièce dans la pièce. Mais pour le reste, quel spectacle! Trois heures à peine interrompues, pas une seconde d'ennui, et l'énergie de tous, nécessaire à mobiliser le vaste plateau de la salle imposante du Théâtre National de Bretagne. Pour décor, une petite élévation, un arbre symbolique, quelques chaises, un lac à imaginer. Et voilà qu'avant le dernier acte, ce décor se transforme… (à vous de découvrir !) Deux ans plus tard, Nina revient, « amaigrie, les yeux plus grands ». La pièce parle du théâtre, des acteurs, des écrivains, de la création mais surtout de nous, bien sûr. Nous qui serions-nous, qui sait, un peu plus intelligents, un peu plus sensibles au sortir de ce spectacle ? Possible, par la grâce d'un auteur, d'un metteur en scène et d'une troupe entière à leur service.
[am, depuis Rennes, 2002]
Début mars 2002, IMPROMPTU, après « une semaine de répétition seulement », Irène Jacob reprenait le rôle de Nina dans cette Mouette mise en scène par Philippe Calvario (ancien assistant de Chéreau). « Mais, je pense que pour qui a connu le plaisir de la création, les autres plaisirs ne doivent plus exister » [Nina]
Du 18 au 30 juin, Julie Harnois était Nina ! On l'a vue (entre autres) pour la télévision dans Le jugement de Salomon (Florence Strauss), au théâtre dans Et maintenant le silence (Ph. Calvario). Julie Harnois préparait ensuite un Marivaux. A suivre !…
Un grand MERCI à : Georgette Moulin, du Théâtre National de Bretagne et à l'équipe (www.theatre-national-bretagne.fr), au Quartz de Brest, à Anne du Théâtre des Célestins de Lyon, à Sabine Vilotte du Théâtre national de Bordeaux-Aquitaine, à Clotilde du Théâtre de Dijon Bourgogne, au Théâtre de Dijon, au Théâtre de Nevers et au Théâtre des Bouffes du Nord à Paris pour son accueil ; à Nathalie Gasser (r. presse "La Mouette"), à Jean-Claude Jay pour son regard sur La Mouette, à Jérôme Kircher, Philippe Calvario, Julie Harnois et Irène Jacob.
Plus/More about…

La Mouette

(Tchaïka) d'Anton Tchékhov - Mise en scène : Philippe Calvario - Traduction : André Markowicz et Françoise Morvan (version de 1895 dite version longue
Irène Jacob est Nina Mikhaïlovna Zarétchnaïa - avec aussi : Philippe Calvario (Medvedenko), Florence Giorgetti (Arkadina), Jean-Claude Jay (Dorn), Jérôme Kircher (Tréplev), Johan Leysen (Trigorine), Guy Parigot (Sorine), Chloé Réjon (Macha) Fin juin, Julie Harnois était aussi La Mouette… Assistante : Valérie Nègre - Lumière : Bertrand Couderc -Costumes : Aurore Popineau Son : Eric Neveux Traduction : André Markowicz & Françoise Morvan.
Création le 5 mars 2002 au Théâtre National de Bretagne à Rennes "La Mouette" a été jouée :
  • Théâtre national de Bretagne (Rennes) du 28 fév. au 15 mars
  • Théâtre Le Quartz (Brest) du 19 au 22 mars
  • Théâtre des Célestins (Lyon) du 26 mars au 6 avril
  • Théâtre national de Bordeaux-Aquitaine (Bordeaux-Lac) du 9 au 13 avril
  • Théâtre National Dijon-Bourgogne (Dijon) du 16 au 20 avril
  • Théâtre de Nevers, du 23 au 24 avril
  • La Halle aux Grains de Blois, du 26 au 29 avril 2002
  • Théâtre des Bouffes du Nord (Paris) du 21 mai au 30 juin 2002.
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Elle a dit…

« Tchekhov disait que : "Souvent les femmes qui sont au bord de la chute tombent fatalement amoureuses d'un homme…" tel que Tregorine… comme si la chute était déjà en elles… » [Europe 1, 6 juin 2002]
« C'est un rôle dont rêvent beaucoup de comédiennes, parce qu'on a l'impression qu'on va s'identifier… mais je crois que Nina va dans une telle dimension que ça dépasse toute identification […] Elle, c'est différent, elle est prête à tout sacrifier pour la gloire, c'est ce qu'elle ch…ouette [sic], euh, c'est ce qu'elle souhaite ! » [France Inter, Tamtam, 27 mai 2002]
« Je savais que c'était un rôle magnifique, que toute comédienne a envie de jouer. […] Et je sentais que ce spectacle dégageait une énergie, une envie… » [Ouest France]
« Au départ, j'ai eu très peur. Comme toutes les jeunes comédiennes, j'ai rêvé d'interpréter le rôle de Nina. Je craignais de briser ce rêve par manque de temps pour m'y préparer. Il me fallait me fondre dans une mise en scène déjà aboutie, et surtout, apprendre un texte relativement ardu ! Maintenant, je suis plus détendue sur scène, et m'approprie peu à peu ce personnage » [Le Télégramme de Brest
« Pour moi, c'est ça le théâtre. Une aventure, fondée sur des rencontres, où les gens sont déterminants… Ce rôle bouleverse un peu mes projets immédiats… mais le théâtre c'est quelque chose de vivant, je relève le défi, j'ai besoin de m'épancher librement, c'est l'émotion qui prime ! » [Sud-Ouest, 9 avril 2002]

Ils ont dit…

« … Irène Jacob, une Nina combative au sourire radieux, blessée au final, à bout de souffle… » [Figaro Madame, 8 juin 2002, Marion Thébaud]
« Une galaxie de solitaires, d'insatisfaits, hantés par les ratages, les frustrations de leur existence. Mais qui ne se résignent jamais. Qui continuent leur chemin, fût-ce désespérément. Et que Tchekhov observe d'un oeil attentif de médecin, son premier métier. » [Télérama du 25 avril 2002, Fabienne Pascaud]
« Irène Jacob propose une Nina inhabituelle, qui joue le tout pour le tout avec calme, presque avec bonheur, qui marche d'un pas sûr au désastre, en beauté : un ciel bleu de tragédie, superbe. […] Tous les comédiens semblent à leur mieux : Philippe Calvario a mis en salle de réveil, sans lui faire bobo, La Mouette de Tchekhov, notre grande petite sœur à tous. » [Le Monde, 2 juin 2002, Michel Cournot]
« Un défi un peu fou qu'a décidé de relever la comédienne… » [Le Télégramme de Brest]
« Les personnages sont tous en quête d'un idéal qui, le plus souvent, n'advient pas. Ils attendent quelque chose qui n'arrive pas, ou alors ils se projettent dans un futur impossible. Treplev s'interroge à propos du théâtre, il ressent l'inutilité de chercher absolument des "formes nouvelles" […] Nina, la Mouette, accompagne Treplev dans sa quête formelle avant de se laisser séduire par Trigorine, et de partir avec lui. […] Le spectacle se déroule dans une époque indéterminée, les temps se rejoignent dans le mal de vivre des personnages. » (Philippe Calvario)
« Et cet accessoire, ce symbole qui donne son titre à la pièce, on se dit que Tchekhov, lui qui connaissait si bien les oiseaux, ne l'a pas choisi pour rien. Et voilà qu'on se met à chercher à quoi ça ressemble, une mouette, en été, à cet endroit de la Russie : et là, nouvelle surprise, on découvre que la mouette n'est pas seulement le bel oiseau blanc et pur qu'on imagine, symbole de la nostalgie et de l'élan vers les confins de l'horizon... C'est un oiseau à capuchon sombre, à bec rouge, qui fait penser à un masque de commedia dell'arte, image d'un théâtre un peu factice et inquiétant. A partir de ce qui n'est qu'un mince détail, le rôle de Nina prend une autre signification, et nous voilà invités à voir sous un autre angle, toutes les réflexions des uns et des autres sur le théâtre. » (Françoise Morvan)
« La ponctuation préférée de Tchekhov, ce sont les points de suspension, il les confie aux comédiens comme un espace de rêve. » (Mikhalkov)