© alain martin
Les Variations Darwin
Etonnant bestiaire…
2004-2005 - France

Selon les auteurs « cette aventure n'a jamais prétendu réconcilier les deux cultures, la littéraire et la scientifique », et ils ajoutent : « notre théâtre n'est pas là pour vulgariser l'Evolution »… Oui mais alors, de quoi s'agit-il ? Des textes sur Charles… « Encore une scène ? »

C'est par scènes, par tableaux pourrait-on dire, que les variations nous invitent à re-visiter la pensée et les textes de Charles Darwin, à retrouver le chemin de l'Evolution - hier, aujourd'hui, demain -, textes lus et relus pour l'essentiel par deux comédiennes (Maud Le Grevellec et Irène Jacob) et que l'ensemble des comédiens illustre. Lumières, échantillonnages, musiques de l'Ircam, bruitages sont aussi du programme…

L'homme : un cerveau qui roule en 1 500 cm3

Alors que… « 5 [cm3] auraient suffi ! » Et Irène lit, sur scène : « Pas assez de corps, trop de cerveau », « le cortex était-ce bien nécessaire ? »… Effectivement, pendant presque deux heures de spectacle, toutes ces circonvolutions « qui font les génies, les tortionnaires ou les poètes » bouillonnent devant nous.
A une semaine de la première, Le Monde recueillait les impressions de Jean-François Peyret bouclant cette « usine à gaz » : « C'est ça qui m'excite encore : l'invention de la forme. Je ne sais pas ce que ça va donner, ça commence à vivre, ça résiste ! »…
Le thème ? La vie, son évolution, l'amour (il y a même quelques accouplements sur scène, afin d'illustrer le propos), la mort… Tout commence par un aveugle (ou deux) puis s'enchaîne : la vision, l'œil, le cerveau, la conscience, l'instinct, jusqu'à la décortication du cerveau, de nos peurs, de nos joies. Vaste paysage, voyage à cent-à-l'heure dans les coulisses de l'espèce humaine, que Charles excuse de s'être élevée si haut, parmi les autres… Une évocation poétique du… scientifique, pour laquelle Jean-François Peyret nous propose une direction d'acteurs et des trouvailles pas vraiment classiques. Il a placé la barre très haut, a certainement « pris des risques », comme nous précise Irène Jacob pour IreneJacob.net.
Certaines réactions de spectateurs évoquent la confusion de l'ensemble, il y eût quelques départs de la salle… mais pour ceux qui restaient, récompense : une chenille dans l'obscurité, des comédiens transformés en oiseaux ou reptiles, peut-être,… et Irène en Reine des insectes !
La qualité première des Variations Darwin est peut-être d'accomplir en nous un travail de mémoire : les journalistes du Monde et de Libération eux-mêmes ont retrouvé des images parallèles (qui des amphibies, qui un tableau hollandais aux têtes de chou…). Nous avions en tête, pour notre part, les découvertes aux détours des galeries du National History Museum (une aile y est consacrée à Darwin) ou ces articles toujours fascinant sur le fonctionnement du cerveau ou de l'œil que nous livrent périodiquement les revues scientifiques… Un autre regard sur Darwin qui fait beaucoup appel à la mémoire, collective et individuelle.

Un sacré cabinet de curiosités, en tout cas

En avant de la corbeille, on embrassait la scène comme une véritable expérience… L’ensemble est dense, fourmille de détails. Trois scènes parfois se jouaient en simultané (sans parler des accompagnements sonores) : était-ce une manière de tester la capacité de notre cerveau à recevoir des images, des sons, des émotions, aussi ? Ce « cerveau trop gros », un acteur à part entière des Variations Darwin, décidemment.

Pourquoi un chou-fleur sur l'affiche ?

Dans la mise en scène (faussement minimaliste) des objets simples sont utilisés, mis en lumière : un œuf, un journal, un banc… Le superbe chou de l'affiche n'est pas sans évoquer les circonvolutions d'un cerveau (notez plusieurs visions autant daliniennes que darwiniennes dans ces Variations). On retrouvait ce légume - un chou vert en fait - assemblé au sommet du corps de notre comédienne… « …un théâtre soucieux de ce que la science dit du vivant, ne pouvait qu'être fasciné par ce grand “inventeur” des formes que fut Darwin… »
[am, 19-11-04]
Merci au Théâtre de Chaillot et à Irène Jacob

© alain martin
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Les Variations Darwin

Spectacle de Jean-François Peyret & Alain Prochiantz - Mise en scène: Jean-François Peyret
Théâtre de Chaillot, Paris, du 17 nov au 18 déc 2004 puis en tournée en 2005 :
- Théâtre National de Strasbourg
- Théâtre du Port de la Lune
- Théâtre de Caen
Avec Irène Jacob et aussi, suivant la classification alphabétique et non l'ordre des espèces : Mathieu Amalric, Marc Bodnar, Maud Le Grevellec, Marie Payen, Jean-Baptiste Verquin, Clément Victor - Musique : Alexandros Markéas, résidence de création Ircam-Centre Pompidou informatique musicale Ircam-Centre Pompidou… - Production: Théâtre National de Chaillot/ Théâtre National de Strasbourg/ Tf2-Cie Jean-François Peyret avec la participation artistique du Jeune Théâtre National et le soutien de l'Ircam-Centre Pompidou…
DR