Tout n'est plus si noir
Avec Weepers Circus
2000
« Je crois encore entendre des mots si doux, si tendres… » Si, si c'est bien la voix d'Irène Jacob. Elle n'a pas affronté le K (piste 4), mais elle a chaviré tout doucement, avec ravissement dans les rêts des Pêcheurs de Perle (piste 6). Rien de trop classique pourtant : nous sommes à l'écoute du dernier album des Weepers Circus, qui aiment le mélange des genres et des rythmes, la preuve.
Eric Haija Guerrier, guitariste des Weepers Circus, répond à IreneJacob.net…IJN. Les membres du Weepers Circus connaissaient-ils Irène Jacob avant cette rencontre ?
EHG. Début 2007, nous écrivions notre nouvel album Tout n'est plus si noir. Pour le titre Le K (en hommage à la nouvelle homonyme de Dino Buzzati), nous souhaitions un récitatif de comédien en ouverture. Notre éditeur, Laurent Balandras, a pensé immédiatement à Irène Jacob : lorsqu'il a prononcé son nom... nous étions positivement stupéfaits : Irène a toujours représenté pour le Weepers Circus une jeune femme à la fois sublime, onirique, spirituelle et sensuelle. Nous avons tous été très marqués par La Double vie de Véronique et Trois Couleurs : Rouge, deux chefs-d'œuvre de Krzysztof Kieslowski qui figurent dans notre panthéon cinématographique.
La veille de notre première rencontre, je lui ai dit au téléphone que je n'arrivais pas vraiment à faire la différence entre elle et son personnage de Véronique/Weronika... ce qui l'a amusé : elle a précisé qu'en réalité, elle est très éloignée du caractère de ce(s) personnage(s) et que j'en ferais l'amère expérience le lendemain ! [rires].
Le lendemain, après une matinée d'enregistrement bien remplie, je lui ai glissé que je ne faisais toujours pas la différence entre elle-même et Véronique/Weronika! [rires] Ce même jour, nous avons eu l'occasion de parler un peu de Krzysztof Kieslowski : pour moi, ce fut très émouvant.
IJN. Alors, Irène Jacob : opportunité, rencontre ou hasard ?
EHG. Avoir eu la chance de travailler avec Irène Jacob est le fruit à la fois de l'opportunité, de la rencontre et du hasard. […] Par l'intermédiaire de Laurent Balandras, nous avons pris contact avec Irène. […] Amené à dialoguer avec elle, j'étais très intimidé et troublé. Je le suis encore aujourd'hui et le groupe de même. Au final […] Irène n'a pas souhaité interpréter le récitatif du K (*) mais elle a apprécié la maquette de Je crois encore entendre (**) et a interprété le titre.
IJN. Concrètement, comment se sont déroulées la préparation et l'enregistrement ?
EHG. J'ai tout de suite remarqué qu'Irène prend les choses très au sérieux. Nous avons dialogué par téléphone et par courriel avec une certaine régularité avant de nous rencontrer pour l'enregistrement de sa voix et chaque échange fut riche, intense et touchant. […] Avec les maquettes de Tout n'est plus si noir, je lui ai envoyé deux de nos disques précédents. […] Nous tenions à ce qu'elle puisse donner le plus possible son avis sur l'interprétation du duo : ses questions et propositions furent nombreuses et constructives. A l'enregistrement (le studio Acousti à Paris), nous étions tous très impressionnés par l'émanation “solaire” d'Irène : lors de ses prises de voix... le temps est suspendu. Une sorte de plénitude de la beauté : Irène est totalement habitée par une sorte d'intériorisation intense et incandescente, parfaitement visible de l'extérieur.
IJN. Justement, comment vous est apparue Irène à cet enregistrement ?
EHG. Irène était comme en transe, mais d'une douceur indicible. Ses yeux fermés, ses sourires, son corps, ses gestes et sa façon de bouger les bras évoquent une chorégraphie minimale, d'une grande force et sensibilité. Et, bien entendu, nous aimons sa voix fragile mais déterminée.
IJN. En conclusion, quelles qualités avez-vous retenues de son travail ?
EHG. Un seul mot résume Irène: magnifique ! Un équilibre alchimique de l'esprit (elle est d'une grande culture et d'une brillante intelligence), de l'âme (elle est d'une générosité, d'une humilité et d'une gentillesse incroyables) et du corps (elle est d'une beauté ineffable). […] Nous ne la connaissons que peu à titre personnel, mais mon intuition ne me trompe pas: il est très rare de rencontrer une personne aussi délicieuse et profonde qu'Irène. Surtout dans le milieu des artistes. Enfin, c'est une bosseuse et ça se voit : dans ce travail réalisé ensemble, pas une seule fois elle a pris les choses à la légère.
IJN. Un dernier souvenir, pour conclure ?
EHG. Le matin de l'enregistrement, nous attendions Irène dans un café proche du studio... avec un bouquet de cinq roses blanches (les cinq membres du groupe). Et j'avais le trac, comme pour un premier rendez-vous amoureux ! [rires] Mais je crois que les Weepers sont tous un peu amoureux d'Irène! [rires]
IJN. D'autres projets (avec ou sans elle) à signaler ?
EHG. Rien d'autre n'est prévu avec Irène... malheureusement ! (rires) Elle a eu la gentillesse de participer à notre nouvel album, mais je ne crois pas qu'elle souhaite renouveler l'expérience : il faudra lui poser la question ! [rires] Quant à nous, oui, nous aimerions beaucoup lui écrire d'autres chansons, voire son premier album... mais je n'ai jamais osé le lui demander de vive voix ! [rires] Travailler avec Irène fut pour le groupe la concrétisation d'une rencontre, de notre point de vue troublante et émouvante : une sorte de rêve qui se réalise […] Œuvrer avec Irène... c'est rare et précieux.