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Krzysztof Kieślowski, cinéaste polonais (1941-1996)

« Les films font partie de notre vie. Ils s’inscrivent en nous.… je pense d’ailleurs que les films ne se distinguent pas radicalement des faits réels, sinon qu’ils sont inventés. Mais cela n’a pas beaucoup d’importance… »

Illustration © alain martin : Krzysztof Kieslowski, d’après photo © Jacques Witta, merci. Merci aussi à Claude Lenoir, chef décorateur des Trois couleurs, pour la perle de Bleu !

En deux phrases, tout est dit. Krzysztof Kieślowski parle de son métier, en même temps que de sa vie, de notre vie. On pourrait penser qu’il va énoncer un principe ; mais déjà il se dérobe : quelle importance ?
Peut-être que pour bien comprendre cet homme et ces films, au long des nombreux témoignages et extraits de ses propos qui vont suivre, il va falloir se résoudre à ce ton mi-sérieux mi-léger. Kieślowski, éternel optimiste montrant sa face noire aux journalistes, riant de bon cœur avec ses amis, mais toujours préoccupé, sensible. Apprendre aussi, comme il l’a répété, que l’important, c’est de se poser les questions, si possibles les bonnes… Quant aux réponses, là aussi, et même si elles existent… ça n’a pas beaucoup d’importance !
Le livre portrait que nous avons consacré à Kieślowski en 2010 se nommait déjà “l’autre regard”. Ce regard décalé, hors norme, exigeant et curieux, l’intensité et la singularité du personnage sont le fil conducteur qui s’est imposé pendant ses années d’enquête et d’échanges autour du cinéaste. Vous trouverez ici, au gré des pages et des articles, quelques premiers éléments pour découvrir le personnage, sa vie, son œuvre, et son influence jusque dans le cinéma contemporain, bien loin des frontières de la Pologne, pays où il est né, a vécu, et est toujours revenu, jusqu’à sa mort prématurée en 1996. Bon voyage !


Krzysztof Kieślowski, une courte biographie

AMB, 10/2017

Krzysztof Kieślowski est né le 27 juin 1941 à Varsovie. Il a étudié le cinéma dans la célèbre école de Łódź (promotion de 1969). Après une longue période où il alterne documentaires et fictions dans la Pologne socialiste, il est révélé au monde occidental au Festival du Film de Cannes en 1988 et enchaîne avec les producteurs français La Double vie de Véronique (1991) puis la trilogie Trois couleurs : Bleu, Blanc, Rouge (1992-1994). Epuisé par un travail intense et exigeant, il déclare à plusieurs reprises arrêter les tournages, pour se reposer et se consacrer à l’écriture et la formation. Il meurt prématurément d’une seconde crise cardiaque en mars 1996.
Kieślowski laisse au total une centaine de films et son cinéma exigeant, lucide, l’inscrit parmi les grands classiques à voir et revoir.
En savoir plus sur sa vie et son œuvre :
Alain Martin : Kieślowski, vingt ans après [2006] extraits […] « Bien sûr que je suis Polonais ! […] je suis né et j’ai grandi ici. Un Polonais est un Polonais dans le mauvais sens du terme : il croit toujours qu’il est le centre de l’Univers. […] »
Tomasz Żygadło se souvient : « Otwock, où l’on se trouve, et aussi Wider […] où il habitait quand il était jeune. Il habitait aussi à Wałbrzych. Je pense que ce paysage de la province […] doux ou sombre […] a beaucoup d’importance dans sa mémoire, il s’y sentait bien et je pense que c’est visible dans certains de ses films. » […] Et il ajoute que le héros du Personnel, « ce jeune garçon, d’un petit village, qui part à Varsovie pour travailler au théâtre – c’est en fait Krzysiek, qui était fasciné par l’Art, et ces choses tellement lointaines [pour lui] comme le théâtre et l’opéra. »
[…] « Mon père fut pour moi l’être le plus important, sans doute parce qu’il est mort prématurément. Ma mère aussi était très importante ; c’est en partie pour elle que j’ai décidé d’entrer à l’École de cinéma. […] Elle était si triste. Alors j’ai décidé de réussir coûte que coûte. » [K.K. in Le cinéma et moi, 2006]
[…] La première période d’activité du Kieślowski cinéaste s’insère dans le contexte politique et social de la Pologne des années 70 et 80, avec une reconnaissance immédiate de ses pairs [ce depuis l’école de cinéma, où l’on parle d’une personnalité charismatique], et d’un public fidèle, malgré la censure. Les journalistes, pilotés par le Gouvernement en place, ont aussi des propos cinglants. Comme on le verra pour Sans fin, Kieślowski, un peu inclassable, essuie aussi les critiques des deux autres pouvoirs de l’époque : l’Église [95 % des Polonais sont catholiques et, même en République populaire de Pologne, elle fonctionne en souterrain et garde son influence] et les opposants, cristallisés autour du syndicat qui monte : Solidarność. Après l’Etat de guerre et le sursaut du Décalogue […], Kieślowski se préoccupe de plus en plus du sens à donner à un cinéma qui s’opacifie, à déchiffrer une fiction qui multiplie les styles de récit, à dévoiler (mais pas trop) une partie du mystère qui s’insinue et qu’il entretient…
Lorsque sortent La Double vie de Véronique puis Bleu, Blanc, Rouge, les papiers des journalistes ont laissé la place aux essais et aux études, sur un cinéaste mondialement célébré, après le coup d’éclat de Tu ne tueras point à Cannes […] et la romance fragile de Brève histoire d’amour.
[…] « Je me filme dans tous mes films. Peut-être pas tout le temps, mais souvent. Mais je fais en sorte que personne ne s’en aperçoive… mais [à ce sujet] je ne te dirai rien… » [Kieślowski in documentaire I’m So so]
Kieślowski a certainement compris, plus tôt qu’on l’imagine, combien la Vie est supérieure au cinéma : il décrit une profession étrange, des scènes surréalistes [comme ces plans dans la nuit d’hiver, perché sur une tour, avec son opérateur au téléobjectif, pour le Décalogue 6]. La fatigue des tournages, pour lesquels il use sa santé […] dicte ensuite ses déclarations à répétitions, en privé puis en public en 1993 : « J’arrête ! ».
Agé d’à peine plus de cinquante ans, avec une reconnaissance critique et du public très récente (moins de cinq ans), Kieślowski annonce officiellement à tous qu’il ne tournera plus ! Pour la plupart des autres cinéastes, ce serait une lubie, une supercherie, une trêve précédant un retour médiatique. Mais lui est toujours fidèle à ses amis, à ses principes, et au mot responsabilité […], sensible au travail bien fait, intransigeant avec la parole donnée.

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Quelques dates-clés de la biographie de Kieślowski

A découvrir : chaque année, un festival sur les lieux d’enfance de Kieślowski

Le voyage vaut le détour. C'est aussi l’occasion de voir des films de lui et inspiré par lui, mais surtout de rencontrer dans un cadre chaleureux des collaborateurs et d'autres cinéastes de Pologne et d’Europe… Pour en savoir plus :

Le site de l'Hommage à Kieślowski

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