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IrenKa, le double regard

P R O L O G U E


"Un trésor est une chose cachée ou enfouie sur laquelle personne ne peut justifier de sa propriété, et qui est découvert par le pur effet du hasard. La propriété du trésor appartient à celui qui le trouve dans sa propre propriété. Si le trésor est trouvé dans la propriété d'autrui, il est partagé pour moitié à celui qui l'a découvert et pour l'autre au propriétaire des fouilles."
Code Civil français, article 716, à toutes fins utiles(1).




© a. martin

Dans quelques jours, des légendes accompagneront l'histoire de ces photos :
un regard complémentaire sur IrenKa…

La lumière tombe, fortement, sur une petite table de bois. Pas d'autre meuble, camaieux de gris. En silhouette, un homme assis, la quarantaine, écrit sur de larges feuilles de papier. Certaines sont tombées sur le sol ou sur des fascicules reliés, posés sur une chaise. Dans l'ombre, une jeune femme debout, vêtue de noir, sauf un col blanc. Elle réfléchit. Silence.
Ha, comme on dit au théâtre : j'espère que vous avez éteint votre portable ?

Charles. (Voix off.)
" Nous parlerons beaucoup de rencontres. Commencé en vous croisant, ce livre s'achève sur une autre rencontre : avec une lectrice, un lecteur. Désolé… si vous vouliez un nom plus petit à l'écran, il fallait vous choisir un pseudo plus étoffé !… Si vous vouliez qu'on ne vous remarque pas, il ne fallait pas ces rôles inoubliables ! Il fallait, je ne sais pas, par exemple vendre des livres, habiter un petit appartement du nord de Paris et faire du théâtre une passion plus… raisonnable.
Car vous êtes en orbite, depuis : une trajectoire parfois perdue dans le ciel étoilé, justement : certains Terriens savent que vous tournez là-haut. On parle de lumière et de gravité pour vous définir en deux mots : rayonnement et matière. Vous auriez décollé sans échapper à notre sphère ?!? Seriez-vous satellisée, Iren… "

Lucie.
Attends ! Attends un peu !!!
(2) Touche plus à rien !
Ah, c'est beau, ça : moi j'aime beaucoup…

Charles. (Il entre, il doit avoir entendu)
Merci !

Lucie.
Non, attends… j'veux dire le petit mot du départ, sur le trésor ! Le reste ? Hmmf, pas terrible, si tu veux mon avis ; de la bouillie pour chacharles
(3)! Tes états d'âme, l'âge du cinéphile… on s'en balance ! Nous c'qu'on veut, c'est IreeeeenKa, la plus grande, la plus belle !

Charles.
Mais, c'est impossible ce truc ! Non et non : ce qui nous manque, c'est…

(Remue ménage au fond. Les éclairages se mettent en place lentement, Irenka entre… se dirige vers le centre, sans que Lucie ni Charles l'aient vue entrer. Mais vous, vous la reconnaîtrez facilement : nous avons laissé une petite marge sur la gauche quand elle prend la parole,
comme ceci :

Irenka.
Au fond, il faudrait être comme à la surface !
(Un temps d'arrêt)
Pourquoi vous n'enlevez pas tous ces commentaires ? Hè, ho! Y a quelqu'un là-haut ?
(Elle lève la tête vers les cintres)
Non ? Bon… j'ai dit : " enlevez-moi tout ça ! " Qu'est-ce que c'est que ces italiques ? On sait très bien que je vais regarder là-haut, de toute façon ! J'ai dit : “ pas d'italique ! ”
(Elle arrête de sourire, hausse un sourcil)
Hmmm ? Un livre ?

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Lucie. (Elle semble illuminée par une idée… éclaircit un peu sa voix…)
Ma parole, j'entends des voix ! Ah, Jeanne d'Arc !
(Une pause, elle sourit, semble deviner une présence)
Vous saviez qu'Irenka nous avait aussi interprété une Jeanne d'Arc ? Oui, enfin IrenKa… vous connaissez ? Vous voyez qui ?
Qu'est-ce que vous dites ? Dans Blow-up ? Raté ! Non non, vous n'y êtes pas, elle a tourné aussi avec Antonioni, mais c'est…

JKLM.
…La même chose, la mêêême chose, tou-jours-la-même-cho-se !

Lucie.
Ah, t'es là, toi ?

JKLM. (Un homme plutôt jeune, alerte, cheveux bouclés, à la limite… angélique !)
Ça alors, Lucie… Quelle bonne surprise ! Alors, à la recherche d'Irenka ?

Lucie.
Je vois que les nouvelles vont vite.

JKLM.
Ben, en fait, j'ai trouvé un SMS ce matin sur mon portable :
(Il scande…)
Taten 2main ilFO trouV BIO IRENKA ! a+ CHARL.
Alors là, j'ai voulu entrer, et on m'a dit : " désolé, c'est sans italique, pas d'intro, c'est Irenka qui l'a demandé ! "

Lucie.
IrenKa ?

Charles. (Pour lui-même)
Si seulement on arrivait à mettre la main sur cette biographie ! C'est quand même incroyable, cette histoire…

Irenka.
(Irenka continue de parler, Charles ne sait toujours pas qu'elle est là !)
Vous savez quoi, Charles ? J'ai bien réfléchi à tout ça : cette jeune femme qui est moi, hein, mais qui pourrait bien être une autre comédienne. Et bien je me demandais si…

Jean. (Il entre, va directement vers Charles)
Qu'est-ce que vous lui voulez, d'abord, à Irenka ? C'est pourquoi, au juste ? J'ai rien compris à votre message, Charles… Charles Podrowski, c'est ça ?

Charles. (Fait signe que ce n'est pas grave)
Dobrowski
(4), pas Podrowski. Vous parlez d'un nom ! Plus simple tout de même que Kieslowski, et je vous épargne… Tiens, à propos, seriez-vous capable, sans tricher, de m'épeler Krzysztof ?

Jean.
Stoooop ! OK, OK, on se calme, on vous croit sur parole ! Je me souviens, maintenant : la photo de Cannes
(5) … Mais alors, qui êtes-vous, qu'est-ce que vous voulez ?

Lucie.
Nous, on cherche la bio… la vraie biographie d'Irenka ! Vous êtes son agent, non ? Ce livre… enfin, vous savez bien : le gros bouquin rouge ! Personne ne l'a eu entre les mains, zéro copie : j'comprends pas.

Charles.
On a tout sur elle… enfin presque ! Lucie et moi, on a pris des notes : 1 800 feuillets répartis dans 12 bacs, 900 Gigas d'images et de textes glanés à travers le monde
(6), et même la copie de son acte de naissance que vous…

Jean.
Ciel, un malade… encore !

Irenka.
Ils voudraient me faire parler, parler de moi, encore ? Bla-bla-bla… bla-bla-bla… Et puis clic-clac, clic-clac ! Je disais donc : cette femme, cette Irenka, qui est moi, hein, au fond, mais qui est peut-être une autre aussi… Ne parlons pas de moi ! Vous n'avez qu'à raconter, je ne sais pas… pourquoi vous n'écririez pas un roman !?!

(Désolé pour les italiques, mais il y a urgence : Charles a entendu le nom d'Irenka cette fois et a pâli. Irenka, JKLM, l'Agent, Lucie : tous font une drôle de tête aussi !)

Hein, quoi, qu'est-ce que j'ai dit ?…

(Il y a un silence, la lumière s'éteint soudainement. Obscurité totale.)

>>>SUITE>>>


Notes


(1) Michel (Paris) tient à apporter la précision suivante : pour qu'il y ait « trésor », il faut qu'il y ait au moins DEUX objets et qu'ils aient été volontairement cachés. C'est bien ce que je pensais… (juin 2003).
(2) On pourrait penser au film Bleu de Kieslowski (1993), quand Julie examine et corrige la partition du Concert de l'Europe.
(3) Charlie, c'était le nom du chat mascotte de La Cinémathèque, à Paris, décédé fin 2002. A même fait l'objet de commentaires sur le site de la Cinémathèque ! Au Palais de Chaillot, il y a aussi un grand mur de photos de célébrités ; sur l'une d'entre-elles, en face de la caisse, vous pourriez retrouver IrenKa, lors d'une soirée…
(4) Charles Dobrowski+ avait conservé son nom dans l'écriture de cette fiction… Pour les autres personnages, toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existé relèverait du domaine de la paranoïa-cinéphile !
(5) Oui, alors là, Jean doit confondre : sur une photo de Cannes, en 1992, c'est Dabrowski, pas Dobrowski. A l'époque attaché culturel polonais à l'arrière-plan du groupe, il est devenu depuis ministre de la Culture de Pologne, et a lancé "Une Saison Polonaise en France" en 2004 !
(6) Ce n'est pas Charles, mais le personnage existe, nous l'avons rencontré !


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MAJ 06082004/am