© Roland Auzet

Irène est la Voix humaine :
VxH à Saint-Nazaire en janvier

Créé en mai 2018 au MA (Montbéliard) puis au Centquatre (Paris) en juin, le spectacle s'articule autour de deux thèmes : l'“absence de l'autre” dans La Voix humaine de Jean Cocteau et l'“absence de soi” dans Disappear here de Falk Richter, quête d'un être cher. A l'ENSATT à Lyon du 9 au 22 novembre, le spectacle y a gagné en maturité : le jeu d'Irène Jacob et les effets sonores sont encore plus pêchus !

La conception, la musique et la mise en scène sont de Roland Auzet, avec la collaboration artistique et la chorégraphie de Joëlle Bouvier. Le spectacle nous promet un espace scénique déstabilisant, des déformations et échanges de voix, des émotions !


Les rappels pour VxH, à Lyon, le 16 novembre 2018 - © a.martin

Lyon, nouvelle étape musclée !

C'était presque une étape de montagne, du côté de Saint-Just, sur les collines nord de Lyon, plus précisément dans la salle Laurent Terzieff de l'Ensatt, l'école de théâtre qui succède à la Rue Blanche (à Paris) où Irène Jacob a été formée. Après Montbéliard et Paris, avant Perpignan et Saint-Nazaire (voir encadré), nous avons pu remarqué, à Lyon donc, que le jeu avait progressé, que les effets sonores et musicaux semblaient plus puissants et nous n'étions pas déçu de revoir l'ensemble. Cerise sur la praline (rose), nous avons pu échanger avec la comédienne, elle aussi toute à ces représentations, pour lesquelles elle a effectivement beaucoup travaillé.


Après le spectacle, Irène Jacob nous présente l'équipe technique, dont elle salue le travail, et qui suit la tournée nationale - © a.martin

Le public était au rendez-vous (on affichait complet vendredi 16 novembre) et se prêtait volontiers au jeu des coussins (oui, pour s'installer confortablement sous la scène de verre où Irène se raccroche au fil du téléphone). Les Lyonnais et ceux d'alentour ont pu lire la version numérique ou papier du Petit Bulletin de Lyon, qui propose un portrait d'Irène Jacob sur sa 4e de couverture, citant même IreneJacob.net, avec les qualificatifs -l'auriez-vous sugéré ?- de site « iconoclaste d'adulation » . A lire ici sur le web.

Une scène de plexiglass

Le metteur en scène insiste sur l'importance de l'espace scénique dans ses projets. Ici, c'est une plateforme en plexiglass de plus de 10 mètres sur 4 de large qui accueille l'action, placée au-dessus des spectateurs ; en créant de nouvelles perspectives, elle incite aussi à une autre écriture : « un nouveau rapport entre le public, la narration et "l'émotion d'être spectateur", de voir, de ne pas voir, d'être vu malgré soi ou de “voler” des points de vue... », comme l'explique sa note d'intention.

Des sons et des voix très travaillés…

C'est aussi une autre dimension musicale qui est en jeu, avec des capteurs sonores, des transformations des voix, des voix de synthèse, un travail sur la phonétique, etc. Autant dire que l'IRCAM est convoqué. Le festival de l'IRCAM : ManiFeste-2018 a d'ailleurs accueilli le spectacle à Paris en juin 2018.

A l'origine, au Centquatre, en juin 2018…


Nous avons aimé :

Irène Jacob arpente la scène de plexiglas, tour à tour empoigne amoureusement son téléphone, les gants ou jette chaussure ou portable, au fil de ses humeurs. Celle qui fut Valentine incarne cette autre problème de communication : on visualise également le fil de la conversation, les appels sont ratés, coupés, interrompus.
Quant au procédé de la scène transparente, il marque le spectacle de manière plutôt heureuse : plus qu'un truc, l'appareillage de plexiglas, sa ferraille très présente, convient finalement bien aux observateurs de ce trame intime : allongés ou du moins assis sur la moquette (position recommandée), déchaussés, nous sommes plus en phase avec les déambulations de la comédienne, et son déplacement chorégraphie à ras de terre : elle roule, rampe, se plaque et repte même sur la surface vitrée, incarnant de tout son corps ce long dialogue dont on entend que sa partie.

Nous avons remarqué :
Du texte de Cocteau, exit les gramophone, pneumatique, dépêche, stylographe, buvard et boîte en écaille… la demoiselle des Postes et Télégraphes est devenu voix automatique ou alerte de Skype, le Auteuil 04 virgule 7 a évolué en 06…, et Madame n'a plus de Joseph [le domestique]. Et au texte de Cocteau, souvent repris à la lettre, s'ajoutent des extraits de Disappear here de Karl Richter. Ce dépoussiérage léger suffit à maintenir l'actualité du texte. Par contre, on a gardé le rêve du scaphandre : raccrocher, c'est toujours couper le tuyau !

Nous aurions aimé :
Sous le signe de l'Ircam, la voix est parfois amplifiée, distordue, des sons s'y mêlent, des éclats, des grondements et même un orage stroboscopique perturbe VxH. Et c'est tant mieux. Nous aurions même attendu un peu plus de folie, de dégradation de la voix.


Nous attendions :
Les rappels : eh oui, comment venir saluer quand on est en haut ? La fin est donc circassienne, avec descente en échelle parmi les spectateurs !


Le 9 juin au sol du Centquatre : photos © alain martin

Nous attendons :
Les prochaines représentations aux Célestins, parce que trois ou quatre jours, c'est vraiment trop court. Mais pour le plaisir de tous, le spectacle est en tournée jusqu'en 2019 : soyez attentifs et mobiles pour ne pas rater les prochaines soirées VxH ! [encadré en haut à droite]

Auzet, metteur en scène polymorphe

Roland Auzet se définit lui-même comme un “écrivain de plateau”. Passé par les écoles de l'IRCAM, du Cirque (Annie Fratellini) et plusieurs conservatoires, il allie théâtre et musique depuis des années. Parmi ses dernières créations, on note : Histoire du soldat avec Thomas Fersen, Aucun homme n'est une île de Fabrice Melquiot, un opéra de chambre, Steve Five, commandé par l'Opéra de Lyon en 2014, Dans la solitude des champs de coton de Bernard-Marie Koltès aux Célestins à Lyon l'année suivante (également adapté aux Etats-Unis), un opéra prologue à Barbe-Bleue, “théâtre-musical pour une comédienne et grand orchestre” en 2017, etc.

Plus sur www.rolandauget.com

Merci à Irène Jacob pour les informations et l'invitation %-)

VxH, la voix humaine (2018)
2, 3, 4 mai 2018 en création à MA scène nationale (Montbéliard)
• du 7 au 10 juin 2018 au Centquatre à Paris (dans le cadre du festival de l'Ircam)
• tournée nationale 2018-2019
Th. Célestins, Lyon (ENSATT)
du 9 au 22 novembre 2018

Th. Archipel, Perpignan
Festival Aujourd'hui Musiques
24 et 25 novembre 2018

Scène nationale Saint-Nazaire
30 et 31 janvier 2019


D'après La Voix humaine de Jean Cocteau et Disappear here de Falk Richter,.
Mise en scène et musique : Roland Auzet
Chorégraphie et collaboration artistique : Joëlle Bouvier
Avec : Irène Jacob

Daniele Guaschino, informatique musicale (Ircam)
Bernard Revel, lumières
Jean-Marc Beau, régie

Durée estimée : 1 heure

Co-commande Ircam-Centre Pompidou et Festival Aujourd'hui Musiques du Théâtre de l'Archipel, scène nationale de Perpignan / Production Act Opus
Coproduction Ircam-Centre Pompidou, MA scène nationale &endash; Pays de Montbéliard
Coréalisation CENTQUATRE-PARIS et Ircam-Centre Pompidou
Remerciements Opéra de Limoges.


Ils ont dit :

Le Point [09/06/18] : Théâtre :
renversante Irène Jacob

« Dans VxH, Roland Auzet invite le public à suivre le spectacle en s'allongeant sous une scène en plexiglas transparent. Étonnant. Mais encore ?
[…] tantôt debout, tantôt allongée, la comédienne semble flotter entre deux mondes, réel et imaginaire, passé et présent. L'espace de jeu donne vite le vertige […] ».



DR

Le Petit Bulletin (Lyon) : “sa pièce convoque une peur de l'abandon très forte

« C'est de Cocteau dont [Irène Jacob] s'est nourrie en travaillant sur La Voix humaine. Elle a lu ses écrits pour comprendre ce qu'il dit quand il écrit “j'ai voulu être folle et vivre un amour fou”.
“Son père s'est suicidé d'une balle de revolver quand il avait neuf ans, sa pièce convoque une peur de l'abandon très forte”, dit-elle ; et ainsi, de mieux pouvoir interpréter cette femme pendue au combiné alors que son amant la quitte. »

> Petit Bulletin

Théâtral magazine n°74 : « Irène Jacob est familière des défis inattendus… »
> Interview d'Irène Jacob